Société: Ramadan : Le mois de tous les excès

Posté par: Visiteursur 01-10-2007 21:31:29 3567 lectures Durant le mois de Ramadan, une autre atmosphère s’installe dans notre quotidien. Le mois sacré qui est censé être synonyme de piété et de recueillement donne lieu à une course effrénée vers la consommation et surtout les excès de toutes sortes, surtout la nuit. En plus, d’année en année, les nuits folles du ramadan offrent de nouvelles surprises...

DURANT le mois de Ramadan notre quotidien change. Le jeûne est y pour quelque chose. C’est pour cela que le rythme est ralenti pendant le jour. Mais le soir après l’ftour ? C’est toute une autre atmosphère qui emplit la ville, ouvrant la voie à toutes sortes d’excès. Des excès qui peuvent relever de tout, sauf du sacré. Il n’y a qu’à sortir une fois le jeûne rompu pour s’en rendre compte.


Ramadan by night
Au Maroc, par conviction religieuse ou par tradition, les Marocains sont très attachés au jeûne. C’est pour cela que le Ramadan n’est pas un mois comme les autres pour la plupart des jeûneurs. Pour certains, il prend un air de fête, surtout la nuit. A tel point qu’il est synonyme de veillées nocturnes, très spéciales. Si certains aiment, après une longue journée de jeûne, passer une partie de la nuit dans le recueillement et la prière chez eux, d’autres préfèrent la ferveur des mosquées qui ne désemplissent pas pendant tout le mois. Certaines battent même des records d’affluence des fidèles puisque la prière des tarawihs et d’Al Fajr sont rarement ratées par de nombreux pratiquants durant le ramadan. À la grande mosquée Hassan II de Casablanca, Omar Kzabri, le célèbre jeune imam marrakchi attire des milliers de fidèles chaque soir.

Omar Kzabri est devenu une icône de la mosquée Hassan II pendant le mois de Ramadan. Le secret de son succès réside dans son art de psalmodier le Coran. Pour se recueillir en savourant sa voix, de nombreux fidèles parcourent la ville de bout en bout pour assister à ses prières ou viennent même d’autres villes.

Contrairement à cette catégorie qui s’investit dans la spiritualité et la ferveur religieuse, d’autres préfèrent passer la nuit dans des activités terre à terre comme le jeu de cartes ou faire la fête chaque soir après le f’tour jusqu’à l’aube. Pour accueillir ces veilleurs, des cafés se transforment en salles de spectacle où des artistes de musique chaâbi (populaire) se produisent chaque soir. Les clients viennent non seulement pour consommer, mais également pour danser et chanter sous une musique tonitruante.

C’est aussi l’occasion rêvée pour les jeunes de se draguer mutuellement. Garçons et filles se mettent en ces lieux sur leur trente-et-un pour ne pas déplaire. D’où aussi une occasion rêvée pour les filles de joie de proposer leurs services, payants, pour certaines âmes solitaires. Ainsi, profitant également de la grande affluence, certains cafés se transforment pendant le ramadan en dancing populaire où la chicha est à l’honneur autant que le haschisch et le maàjoune. Bien évidemment le prix de la consommation se transforme aussi pour atteindre 30 DH.

C’est paradoxal, le mois sacré de jour, devient la nuit le mois de la lascivité et du plaisir.

Ballade dans la capitale

Chaque soir, après le F’tour, les grandes artères de la capitale regorgent de voitures et de piétons qui affluent de toutes parts. Les transports en commun deviennent beaucoup plus sollicités que les jours ordinaires du restant de l’année. Tout le beau monde qu’ils déversent se dirige vers divers endroits selon la catégorie d’âge. Pour les jeunes, c’est le quartier de l’Agdal qui attire la majorité avec ses cafés branchés et ses grandes artères bien éclairées. Pour d’autres, c’est plutôt le centre ville et les magasins de la médina.

Dans certains cafés, la chicha semble devenir une nécessité pour les jeunes des deux sexes. Malgré l’interdiction de son usage dans les lieux publics, le laxisme des autorités dans l’application de la loi ne fait qu’encourager les jeunes à son usage. Au coeur de la capitale et à proximité de la médina, la place du marché central est devenue depuis quelques années semblable à la place Jemâa El Fna. On y trouve un peu de tout après le ftour : des marchands ambulants, des gargotes à ciel ouvert...

L’habit ne fait pas le moine

Pendant le mois sacré du Ramadan, les vendeurs d’habits traditionnels de la médina de Rabat ne restent jamais seuls, ni même les tailleurs traditionnels. Qui commande un kmis pour l’aïd, qui veut juste une retouche pour un vêtement... Les mosquées des quartiers pauvres, autant que ceux des quartiers huppés, sont noirs de monde. Les fidèles occasionnels s’y comptent par milliers.

Durant le ramadan, les hommes aussi rivalisent ente eux, voulant chacun porter la djellaba dernier cri ou les babouches les plus chics. D’une année à l’autre, le choix devient plus varié. Il y a désormais des djellabas de différentes couleurs. Plus encore, il y a le Jabador ou caftan pour homme.

Les tissus les plus prisés pour la confection de ces vêtements sont ceux provenant de l’Arabie saoudite. Pays où ceux qui ont les moyens parmi les fidèles préfèrent passer une partie du Ramadan pour accomplir la Oumra. Certains y vont en famille.

Dine wa dounia

Après la rupture du jeune vers 18h 30, le compte à rebours commence. La somnolence et l’action au ralenti cèdent la place à la frénésie et à la cadence supérieure. Juste pendant quelques minutes, les rues deviennent désertes et le silence règne en maître. Le temps de la rupture du jeûne. Mais ce silence est trompeur car une véritable tempête suivra.

Passé le moment du F’tour, les rues s’animent. Dès 20h, les cafés débordent déjà de clients. Et vogue la galère jusqu’à l’aube ! Dans les terrasses des cafés, trouver une table libre devient une affaire compliquée. Certains, espiègles, réservent la veille pour ne pas rester debout.

Boulevard du sexe

Pendant le mois sacré du ramadan, les services des prostituées sont fortement sollicités. Le boulevard Hassan II, en allant vers les stations taxi de Salé, devient pendant les soirs du mois sacré le boulevard du sexe. Des filles de joie font le trottoir des deux côtés du boulevard. Elles passent leur temps à faire gracieusement les cents pas. Leur racolage des passants dure jusqu’à laube. Leur proximité des transports en commun leur livre une clientèle potentielle non négligeable.

Pour d’autres vendeuses de charme, le racolage se fait sur les trottoirs des grandes avenues du quartier de l’Agdal et des cafés branchés du centre-ville.

Les parieurs du ramadan

Une autre catégorie de personnes devient accro des jeux de cartes, de dames ou de dominos pendant le Ramadan. Le soir, des cafés populaires ont fait de ces jeux leur fond de commerce ramadanesque Certains de leurs clients viennent jouer aux cartes depuis la rupture du jeûne jusqu’au shour. Ces jeux donnent lieu à des matchs inamicaux au terme desquels le perdant paye cher la mise. Les moins exigeants misent juste le prix de leur consommation. Les véritables parieurs se mettent dans l’arrière boutique. Et parfois, ils misent gros, au point que les mauvais perdants en viennent aux mains avec leurs tombeurs.

Les gagnants, quant à eux, joignent l’utile à l’agréable. Ils profitent des longues nuits du Ramadan pour s’adonner à une activité illégale qui peut leur rapporter gros, sous le couvert de simple jeu de cartes. Seuls les initiés connaissent ces lieux de jeu qui ont même parfois les portes fermées. Dans ces cafés de la l’ancienne médina se trouvant dans des petites ruelles, les clients peuvent fumer du haschisch à volonté.

Tramdin

Une catégorie de jeûneurs souffre le martyre pendant le jour et cherche n’importe quel prétexte pour faire exploser sa colère notamment les grands fumeurs, les alcooliques et les diabétiques. Ils s’énervent facilement et manifestent violement leur « Tramdin » qui est souvent insupportable. Un phénomène rencontré surtout durant les après-midi à quelques heures du ftour, surtout dans les marchés et à bord des transports en commun.

Ces jeûneurs ne supportent le mois du ramadan que grâce au maâjoune. C’est pour eux le remède magique contre le manque d’alcool. Certains fournisseurs se spécialisent dans la préparation de cette drogue très consommée durant le ramadan. Les accros en prennent juste après le F’tour et tout de suite après la première cigarette du soir. Il suffit de quelques cuillerées en plusieurs prises durant la nuit et le « consommateur » est dans les vapes. D’autres préfèrent le cannabis que rien ne peut remplacer à leurs yeux.

La consommation de drogue pendant le Ramadan est doublée par rapport aux doses consommées pendant les autres mois de l’année. C’est ce qu’avancent des spécialistes. Durant le mois de jeûne, la dépendance physique envers la drogue s’ajoute la dépendance psychique. Le manque de consommation de la drogue pendant la journée pousse les accros à consommer davantage le soir. Dès la rupture, ils commencent par un joint « pour faire remonter le moral », tout en essayant d’en consommer une grande quantité avant le « Shour ». Le tout pour pallier le manque devant être ressenti de jour.
Flash

- Poste Gallieni

Un bureau, une chaise, un téléphone hors service, un escalier en bois et un demi-niveau. Nous sommes au poste de police numéro 1 de la capitale et aussi le plus vieux poste de police de la ville. La précarité du mobilier du lieu contraste avec son importance. C’est le poste de police qui enregistre le plus grand nombre de plaintes surtout quelques heures avant le ftour.

- Pique-pockets

Dans la rue Souika de la médina, les piques-pockets font des ravages. Ils jettent leur dévolu sur les sacs à main des femmes pendant le jour et même après le ftour, profitant de l’affluence dans les rues commerçantes. C’est ainsi que certains badauds perdent leur porte-monnaie en un clin d’œil.

- Pas de ramadan Ă  Balima

Le café Balima de Rabat est le seul endroit à Rabat où on sert café, thé et le plat du jour à la terrasse du café même pendant le mois du ramadan. Evidemment si vous désirez être servi il faut être non musulman. Du moins en apparence !

- Cartel de MĂ©deline

C’est le surnom donné à une rue de l’ancienne médina où le trafic de haschisch se fait en plein jour pendant le Ramadan. Il faut dire que la demande est très forte pendant ce mois sacré. C’est aussi pendant ce mois que le plus grand nombre d’arrestations pour trafic de drogue est enregistré.

Le Reporter