Société: Les crédits à la consommation entre facilités d'octroi et risques de surendettement

Posté par: Visiteursur 29-09-2008 21:16:14 1791 lectures Contracter un ou plusieurs crédits, tous genres confondus, est devenue de nos jours chose facile. Il suffit pour tout un chacun de justifier d'un revenu régulier pour pouvoir accéder à un crédit, voire plusieurs et ainsi se perdre dans la spirale du phénomène du surendettement qui commence à envenimer la vie de plusieurs citoyens.

Par nécessité ou sous l'effet de séduction des multiples offres proposées à chaque occasion (Aid Al Adha, entrée scolaire, vacances d'été...etc) par les banques et sociétés de crédits, on cède à la tentation de contracter un crédit pour résoudre une situation financière temporelle sans toutefois se soucier des répercussions négatives qui devraient impérativement en découler.


La concurrence féroce que se livrent les sociétés de crédit a aussi simplifié et rendu plus rapide la procédure d'octroi d'un crédit. Entre le dépôt de la demande et la remise du fameux chèque, l'affaire se boucle parfois en une heure.

Dans les cas les plus délicats, c'est l'affaire d'une journée. Mais derrière cette simplicité et cette souplesse dans la satisfaction des demandes de crédit se cachent bien des problèmes, liés principalement au non remboursement du crédit à la suite d'une perte d'emploi, d'une crise financière majeure ou d'une tension conjugale.

Toute personne a ainsi "l'embarras du choix" pour devenir un jour ou l'autre surendettée. Les cas de Lahcen, Omar et Hajiba sont des exemples frappants de ce phénomène qui n'est plus tabou de nos jours au sein de la société marocaine.

Ingénieur d'Etat, Lahcen.J (38 ans) avait de quoi mener avec sa femme (médecin) une vie décente, voire luxueuse au regard du cumul de leurs revenus qui atteignait 28.000 dhs par mois. L'ambition exagérée des deux époux, qui n'ont pourtant aucun enfant à charge, à vivre au dessus de leurs moyens a fait de leur vie un feuilleton de tension : l'un reprochant à l'autre d'être trop dépensier.

Ayant un compte conjoint, Lahcen et sa femme n'ont pas lésiné sur les moyens pour acquérir entièrement à crédit un appartement haut standing dans un quartier chic de la capitale ainsi que deux voitures. A cela s'ajoutent les dépenses quotidiennes du couple qui préfère régler ses factures par carte de crédit sans souci aucun.

"Notre vie est devenue un cauchemar. On ne peut même pas se permettre le luxe d'avoir un enfant au risque de le traîner avec nous dans cette spirale de scènes conjugales qui n'en finissent jamais", regrette Lahcen qui préfère se "noyer" dans l'alcool au lieu d'affronter la situation qui empire chaque jour davantage.

Il faut dire que le surendettement est encore plus accentué chez les ménages à revenu moyen. Omar. H, quant à lui, est consultant dans une entreprise de nouvelles technologies de l'information.

Célibataire, n'ayant aucune personne à charge, il aime mener la belle vie et dépenser autant que son portefeuille le lui permet. Mais la principale source de dépense est constituée de ses virées nocturnes (alcool, boites de nuit, restos...etc). Il passe le clair de son temps dehors et ne revient que vers 2h00 ou 3h00 du matin après avoir dépensé en moyenne jusqu'à 600 dirhams par nuit.

Le "généreux" Omar n'a besoin que de quelques jours pour épuiser son salaire. Il ne peut plus ainsi payer le crédit qu'il a contracté pour l'achat de sa voiture dont l'échéance est de 2900 dirhams. Pas plus qu'il ne peut honorer ses engagements concernant les petits crédits pour l'équipement de son appartement.

"Je ne sais plus comment m'en sortir. Je suis arrivé à l'impasse et à chaque fois que je tente un nouveau montage financier, c'est pour m'enfoncer davantage", confie-t-il.

Aïcha, quant à elle, est secrétaire divorcée âgée à peine de 32 ans. Elle vit largement au dessus de ses moyens et pour entretenir l'illusion du faste auprès de ses collègues, elle ne cesse de contracter des crédits autant que son salaire le tolère.

Les situations de surendettement sont souvent dramatiques pour ceux qui les subissent et enrichissent la précarité. M. Georges Gloukoviezoff, doctorant en économie à l'université de Lyon estime à ce propos que "le développement du surendettement est lié à celui de la précarité professionnelle et familiale".

Le dernier rapport établi par Banque Al Maghrib, en date du 8 juillet 2008, sur l'explosion des crédits à la consommation au Maroc et qui a provoqué un surendettement considérable des ménages, tire la sonnette d'alarme sur l'ampleur que commence à prendre ce phénomène.

Comme chacun sait, moins le revenu est suffisant, plus on a tendance à s'endetter. Ceux qui gagnent par exemple moins de 4.000 dirhams concentrent à eux seuls 48 pc du montant global des crédits accordés en 2007.

Les salariés du secteur privé et les fonctionnaires représentent 87 pc des bénéficiaires, contre 4 pc pour les artisans et les commerçants et 3 pc pour les professions libérales.

A force de rivaliser d'offres de financement, toutes alléchantes les unes que les autres, les sociétés des crédits à la consommation ont réussi à distribuer environ 30 milliards dhs de crédits en 2007. Ce qui élève l'encours de ces crédits à environ 60 milliards de dhs.

Le rapport de Bank Al-Maghrib souligne que le taux d'endettement est inversement proportionnel au revenu. Idem pour le taux de créances en souffrance qui est de 15 pc pour la tranche de revenus inférieurs à 3.000 dhs et de 12% pour les personnes dont le revenu est supérieur à 20.000 dhs.

Les crédits à la consommation ont certes facilité la vie à de nombreux ménages marocains en leur permettant d'acheter tout ce dont ils ont besoin (logement, voiture, appareils électroménagers...etc), mais ils ont aussi et surtout ancré dans la société cette culture de consommation propre aux grands pays connus pour être de véritables sociétés de consommation. Les craintes sont réelles devant le risque de voir le surendettement des ménages détruire la vie de bien des familles.

MAP