Société: Exploitation sexuelle des enfants : Plus de 300 cas enregistrés en 2008

Posté par: Visiteursur 23-05-2009 21:11:53 1603 lectures L'Association «Touche pas à mon enfant» a présenté un rapport alarmant

Un rapport choquant. C'est le moins qu'on pourra dire du rapport 2008 de l'Association «Touche pas à mon enfant», présenté mardi dernier lors d'une conférence de presse à Rabat.


Choquant d'abord puisqu'il fait ressortir une augmentation fulgurante du taux d'abus sexuels à l'encontre des enfants entre 2006 et 2008. Ainsi, dans l'espace de deux ans seulement, ce taux a augmenté de 536%. Il n'y a pas lieu de se tromper : il s'agit d'un véritable phénomène de société, de pratiques répandues à large échelle et non pas de cas isolés. D'ailleurs, comme tient à le mentionner Najat Anouar, présidente de l'Association, le chiffre de 306 cas d'abus contre enfants enregistré en 2008 ne serait qu'approximatif, eu égard à l'extrême sensibilité du sujet qui met un bémol aux tentatives de recensement des victimes. Sinon, le fléau a atteint de grandes proportions et se propage ostensiblement dans les principales villes du Royaume. Une autre réalité choquante dévoilée par le rapport a trait à l'identité des agresseurs eux-mêmes. Ceux-ci appartiennent dans la majorité des cas à l'entourage immédiat des enfants, à savoir les parents, les voisins, les amis de la famille… Les agressions sont rarement commises par des personnes inconnues. De même, elles se produisent souvent dans des endroits censés être des «boucliers» pour l'enfant comme le foyer familial, l'école, les clubs de sport et de loisirs…

Naturellement, la vulnérabilité des enfants aux agressions sexuelles augmente dans un sens inverse à leur âge. Ainsi, le rapport décrète la tranche d'âge inférieure à 8 ans comme étant la plus exposée aux sévices sexuels, en témoigne le signalement de 169 cas appartenant à cette catégorie sur l'ensemble de 306 cas enregistrés par l'Association, contre 104 cas parmi les enfants âgés de 8 à 15 ans et seulement 33 cas sur la tranche d'âge de 15 à 18 ans. Selon Najat Anouar, la vulnérabilité des enfants de cette première catégorie s'explique, d'un côté, par leur incapacité à faire la distinction entre les comportements normaux et ceux à caractère sexuel et, de l'autre côté, par la facilité de les «séduire» en leur procurant de l'argent ou des petits cadeaux… Ceci est d'autant plus valable pour les enfants issus de milieux défavorables. Ceux-ci constituent le cœur de cible des pédophiles qui cherchent à tirer profit de leur situation précaire.

En effet, les agressions sexuelles sont un terme générique qui regroupe plusieurs formes de violence à l'égard des enfants. En premier chef, il y a le viol qui est le cas extrême des abus sexuels et qui a un impact d'autant plus dramatique chez les filles agressées, puisqu'il peut conduire à des grossesses. Le rapport nous apprend que le viol vient en tête des formes d'agressions sexuelles avec 147 cas reportés, plus 4 cas de grossesse. Ensuite, il y a l'harcèlement sexuel (96 cas) qui peut prendre la forme d'attouchements sur certaines parties du corps de l'enfant ou d'incitation de celui-ci à caresser le corps de l'agresseur. L'exploitation des enfants dans la prostitution, dans le tourisme sexuel ou dans la production de films pornographique est tout aussi répertoriée comme une forme d'agression à l'encontre des enfants. Filles et garçons sont sujets à ces pratiques, sans distinction de sexe. Néanmoins, la balance penche légèrement du côté des filles, avec un pourcentage de 54,90% de l'ensemble des cas d'abus, contre 45,10% pour les garçons. Pour ce qui est de l'étendue géographique du phénomène, le rapport révèle qu'aucune région du Maroc n'est épargnée. Il en ressort, cependant, des divergences entre les différentes villes quant à l'ampleur du fléau.

Ainsi, l'exploitation sexuelle des enfants se trouve en pleine effervescence dans 7 grandes villes qui totalisent, à elles seules, 177 cas d'agressions sexuelles, soit 57,8% de l'ensemble des cas enregistrés. Cette liste noire comporte, en ordre décroissant, Casablanca, Marrakech, Agadir, Kénitra, Fès, Taroudant et Salé. Ces villes sont cataloguées par l'Association comme «foyers de l'exploitation sexuelle au Maroc». Mais cela n'éloigne pas les autres régions du Maroc de la zone de danger. D'autre part, le rapport dénonce l'incompatibilité des sanctions infligées aux pédophiles avec les crimes commises, considérant que ce laxisme de l'appareil judiciaire «encourage la pérennité des agressions sur les enfants». Il déplore également le manque de sensibilisation et d'outils de protection sanitaire et légale des victimes des agressions sexuelles, ainsi que l'absence d'une éducation sexuelle à même de rendre les enfants capables d'identifier les abus sexuels à leur encontre et d'y faire face.

PĂ©dophilie : faits marquants

Au cours de la dernière décennie, on a assisté au Maroc à la montée en puissance du phénomène de la pédophilie. De nombreux cas d'agressions sexuelles sur les enfants ont ébranlé l'opinion publique et défrayé la chronique. Le cas d'Abdelilah Hadi, connu davantage sous le surnom du pédophile de Taroudant, en est le plus pittoresque mais aussi le plus médiatisé. Ce pédophile, décrété psychopathe, avait l'habitude, après avoir abusé de ses victimes, de les ensevelir pour dissimuler toute trace de forfait. Ses abominables crimes ne seront dévoilés qu'en 2004, lorsque la police va découvrir des restes humains à l'entrée de la ville. L'enquête sera enclenchée, laquelle va conduire à l'arrestation du criminel qui sera condamné à mort. Les cadavres des 8 victimes ont été déterrés puis enterrés le 3 avril 2009 lors d'émouvantes funérailles.

Une autre affaire a éclaté à Marrakech en mars 2005, dont le protagoniste est un ressortissant français dénommé Hervé Désiré Le Gloannec, arrêté en flagrant délit avec un enfant marocain âgé de 14 ans. La police a découvert sur son ordinateur une cinquantaine de photos à caractère pédophile mettant en scène des enfants marocains. Cependant, Le Gloannec se verra infligé des peines insignifiantes, ce qui ne manquera pas d'attiser la hargne des associations de protection des enfants qui dénonceront la « tolérance excessive » des autorités envers les pédophiles étrangers.

Meriem Rkiouak
LE MATIN