Actualité Agadir et région: 10.000 ha d’agrumes retrouvent la vie !

Posté par: Visiteursur 14-02-2010 21:00:30 2261 lectures Sebt El Guerdane, chronique des années de sécheresse
Une expérience réussie d’adduction de l’eau du barrage


A Sebt El Guerdane, à mi-chemin entre Agadir et Taroudant, 10.000 hectares d’agrumes retrouvent la vie après une longue sécheresse qui a mis à sec la nappe phréatique. Après plusieurs années d’attente, l’adduction d’eau du complexe hydraulique est opérationnelle depuis octobre 2009. Une conduite de 90 km permet désormais aux exploitations agricoles de Sebt El Guerdane de bénéficier de l’eau du barrage d’Aoulouz, à hauteur de 4000 m3 par ha et par an. Amenssouss, filiale de l’ONA, a réalisé l’ouvrage et le gère en concession.


Malgré mille et une complications, le projet d’adduction d’eau d’irrigation de Sebt El Guerdane est un exemple type de ce qu’on appelle communément les « partenariats public/privé » (PPP). Ce type de démarche est le plus souvent utilisé pour la réalisation de grands ouvrages et d’infrastructures en se basant sur le mécanisme de concession/exploitation avec la participation d’associations locales d’agriculteurs. L’expérience sera bientôt généralisée à travers le Royaume.


A Sebt El Guerdane, les traces de la sécheresse sont encore visibles avec des fermes en ruine, des exploitations agricoles abandonnées et des paysages de végétation à l’agonie, voire carrément d’arbres arrachés.

Depuis quelques semaines, cependant, cette zone agricole sinistrée par de longues années de sécheresse, et surtout par l’épuisement de la nappe phréatique, renaît à la vie.
En effet, l’eau du complexe hydraulique d’Aoulouz, le barrage Mokhtar Soussi, est désormais acheminée à travers une conduite de 90 kilomètres : un ouvrage réalisé par Amensouss, filiale de Nareva Holding, et qui le gère en concession.

C’est à la fin des années 90 que les exploitants du périmètre d’El Guerdane ont commencé à tirer la sonnette d’alarme à propos de la baisse inquiétante du niveau de la nappe phréatique qui permettait d’irriguer quelque 10.000 ha d’agrumes dans la zone. Une baisse dramatique qui augurait de dévaster la région par une sécheresse sans fin.
A cette époque, certains opérateurs privés, dont des étrangers comme le groupe Suez, avaient suggéré aux pouvoirs publics la solution qui consiste à construire une grosse conduite pour acheminer l’eau du barrage d’Aoulouz situé à 90 km environ.

Ce n’est qu’en 2004 qu’un groupement est finalement désigné à la suite d’un appel d’offres. Les premiers travaux pour la réalisation de l’ouvrage sont lancés fin 2006 et le projet est officiellement inauguré en octobre 2009.

« Il n’y avait plus d’eau à 200, et même à 400 mètres. Avec la sécheresse, plus la nappe s’épuisait, plus le désespoir gagnait le cœur des hommes », nous confie un agriculteur de la région.

Beaucoup ont dû plier bagages et abandonner leurs fermes, car ils n’y croyaient plus. La sécheresse avait peut-être sévi, à leurs yeux, telle une malédiction, mais elle n’avait rien d’une fatalité inextricable. En effet, le tarissement des puits qui s’était produit subitement était prévisible et avait été annoncé à maintes reprises par des experts qui avaient tiré la sonnette d’alarme.

La nappe phréatique avait été poussée à bout puis condamnée à l’agonie et à l’asphyxie par une surconsommation des ressources en eau.

A côté de ceux qui ont quitté leurs exploitations agricoles dans un état de désolation, d’autres ont eu plus de chance et ont pu sauver leurs fermes in extremis.

Aujourd’hui, l’eau est payée assez cher mais lorsque la crise était à son comble, la denrée rare et vitale n’avait plus aucun prix et la majorité des agriculteurs l’aurait acheté à 20 ou 30 dh le m3.

Le projet d’El Guerdane est longtemps resté en gestation et aurait même pu ne jamais voir le jour car rien n’était gagné d’avance.

En effet, le projet n’était pas faisable sans l’adhésion préalable de 80% des 670 agrumiculteurs recensés dans la région.

Il a été nécessaire de convaincre la majorité des exploitants de signer le document que leur proposait Amensouss. Cela n’a pas été facile, les négociations ont traîné un long moment au moment où il y avait urgence car sur les 10.000 ha d’agrumes, environ 4000 ha avaient déjà été abandonnés par leurs propriétaires.

Ces derniers, au lieu d’attendre les promesses du projet, avaient préféré « émigrer » 50 km plus au Nord près du barrage d’Aoulouz, afin d’acheter ou louer des terrains.

Aujourd’hui, après une longue période d’hésitation, les exploitants ont finalement souscrit et d’autres se mordent les doigts car ils ne sont pas éligibles dans la mouture finale du projet. Ces derniers figurent toutefois dans une liste d’attente. Mais d’autres agriculteurs, dont certains sont propriétaires de domaines d’environ 50 ha, regrettent de ne pas pouvoir prétendre bénéficier du projet.

Ceux-ci remercient le Tout-Puissant car la météo a été très clémente ces dernières semaines et le flot de pluies bienfaitrices promet de faire revivre la nappe phréatique de 4 à 5 mètres.

Cependant, ceux qui ont souscrit au projet sont conscients qu’il ne faudra pas compter sur cet ouvrage pour couvrir la totalité des besoins en eau. En effet, seuls sont garantis quelque 45 millions de m3 d’eau en année normale, chaque exploitant ne peut prétendre qu’à 4000 m3 par hectare pour toute la campagne et si une sécheresse venait à réduire la retenue au niveau du barrage Sidi Mokhtar Soussi d’Aoulouz, les 45 millions de m3 seraient revus à la baisse et la dotation des agriculteurs devra alors être calculée au protata des quantités disponibles.

Pour le moment, le complexe hydraulique a atteint un taux de remplissage très satisfaisant et dans la région, on souhaite ardemment que ces réserves d’eau, ainsi que les pluies providentielles, vont contribuer à constituer de précieuses réserves pour les prochaines campagnes agricoles.
Le plus important c’est que la leçon semble avoir été retenue car après de longues années d’insouciance et de surconsommation, aujourd’hui, en effet, les agriculteurs sont conscients de la nécessité de rationaliser la consommation d’eau de leurs exploitations. Fort heureusement, la majorité a opté pour le goutte-à-goutte afin d’optimiser le système d’irrigation. La bonne nouvelle de l’expérience, c’est certainement cela.

Les besoins en eau dans l’agrumiculture sont de l’ordre de 10.000 m3 par ha. En étant équipé en goutte-à-goutte entièrement automatisé, on peut arriver à ramener les besoins à 8000 m3, voire même un peu moins. Il est toujours possible, avec des équipements pointus, d’optimiser davantage en ramenant les besoins d’un hectare d’agrumes à 6500 m3.

Ce qui peut mettre moins à mal la nappe phréatique comme les exploitants ont droit à 4000 m3 chacun par ha, ils puisent le reste dans la nappe.
En attendant, les rapports entre les agriculteurs et Amensouss sont parfois tendus.

Après avoir payé 8000 dh/ha à la signature du contrat comme frais de souscription, certains trouvent la facture d’eau un peu salée. En effet, après être sorti d’une longue période de vaches maigres, ils doivent s’acquitter de lourdes charges. Des factures trimestrielles, en plus des avances imposées par Amensouss pour parer aux impayés, ce qui a poussé nombre d’agriculteurs à réclamer une année de grâce.

D’autres, plus raisonnables ou plus lucides, estiment que l’Etat a consenti un effort louable, que le Crédit Agricole propose des mesures d’accompagnement et qu’ils préféreraient des factures mensuelles tout en entamant un dialogue constructif avec Amensouss.

D’une manière générale, avec la multiplicité des intervenants comme le ministère de l’Agriculture et les ORMVA, le département de l’Equipement et la Direction de l’Hydraulique ainsi que les agences de bassins, le secrétariat chargé de l’Eau et de l’Environnement, le Crédit Agricole, Amensouss, l’opérateur privé, ainsi que l’association locale des agriculteurs, un débat serein doit être ouvert afin de préserver le développement durable de la région.

En effet, les 10.000 ha d’agrumes sont nécessaires pour l’économie de la région. Si par malheur, pour une raison ou pour une autre, les exploitants devaient abandonner leurs fermes, des milliers d’ouvriers se retrouveraient sans emploi, et des dizaines de milliers de familles sans revenus. Le manque d’eau est une catastrophe aux conséquences dramatiques sur les plans écologique, économique et social.

Irrigation, environnement et agriculture durable : Une équation que le Plan Maroc vert doit pouvoir résoudre

Et Guerdane est un cas d’école pour le développement durable. En effet, durant de longues années on a pillé la nappe phréatique sans répit sous prétexte de productivisme, et ce, sans aucune considération pour la valeur de l’eau.
Par la suite, lorsque la crise hydrique fut à son comble, on s’est mis à chercher de l’eau en étant prêt à payer le prix fort !

L’adage qui veut que prévenir vaut mieux que guérir est fort approprié car, désormais, entre l’irrigation, l’environnement et l’agriculture durable, il y a une équation que le Plan Maroc vert doit pouvoir résoudre en institutionnalisant les études d’impact sur l’environnement pour l’activité agricole, en modernisant tous azimuts les systèmes d’irrigation et surtout en définissant des indicateurs de durabilité pour l’utilisation des nappes phréatiques. La charte nationale de l’environnement devrait certainement contribuer à déclencher une dynamique dans ce sens.

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