Economie: Tourisme: Marrakech et Agadir en danger

Posté par: Visiteursur 09-08-2010 23:58:05 1877 lectures · Plus de touristes, mais qui restent moins longtemps
· Les taux d’occupation s’effondrent dans les deux villes
· La situation financière des entreprises du secteur fragilisée


L’euphorie qui avait suivi la conclusion de l’accord-cadre et la croissance continue des arrivées (13% au premier semestre) ont pendant longtemps masqué des fragilités structurelles. Certes, le Maroc reçoit toujours plus de touristes, mais ceux-ci ne restent pas longtemps. La durée moyenne de séjour stagne (2 jours), tandis que les nuitées décrochent dans les deux grands pôles touristiques, Marrakech et Agadir.


Au plan national, entre 2008 et 2009, les arrivées ont augmenté de 7% et les nuitées ont baissé de 1%. Même tendance pour la saison précédente (2007/2008) où les arrivées avaient progressé de 6% alors que les nuitées reculaient de 1%. C’est le résultat du changement du comportement de la clientèle. Moins dépendant des tour-opérateurs, le «nouveau» touriste compose lui-même son package de séjour et se détourne de l’hôtellerie classique. Il peut aller chez l’habitant, dans un ryad ou ailleurs.
Le phénomène est surtout visible à Marrakech, Fès, Tanger et Agadir. Faute d’avoir anticipé cette évolution, les hôteliers voient leur compte d’exploitation se dégrader.

Par ailleurs, l’impact de la baisse du taux d’occupation de l’hôtellerie s’est intensifié avec l’arrivée de nouvelles capacités sur le marché. La capacité d’hébergement est passée de 152.936 en 2008 à 165.936 lits en 2009, soit une hausse de 8,5%. La saison précédente (2007/2008), elle, avait progressé de 7%. Plus de lits et moins de nuitées. Le taux d’occupation a baissé de 4 points entre 2008 et 2009.
Cela veut dire qu’il faut se partager le gâteau entre plus de monde. C’est le scénario catastrophe des opérateurs au point que certains réclament aujourd’hui une «meilleure gestion de l’orientation des investissements» (voir aussi L’Economiste du 26 juillet). Leur argument est que face à la stagnation des flux d’arrivées, l’injection de nouvelles capacités dans une ville comme Marrakech compromet la rentabilité de l’investissement dans le secteur.

La seule certitude est que Marrakech et Agadir, les deux tracteurs du Maroc sur le marché international, s’essoufflent. Dans la ville ocre, la durée moyenne de séjour (DMS) est passée à 3 jours en 2009 et autant qu’au premier semestre de 2010. C’est un point de moins qu’en 2008. Agadir a perdu également un point sur la durée de séjour depuis 2007. Elle s’établit aujourd’hui à 6 jours, ce qui reste dans la fourchette moyenne des stations balnéaires.

Marrakech et Agadir concentrent plus de la moitié (53%) des arrivées. La station du Souss qui affichait de meilleurs scores que Marrakech en 2001, année de la conclusion de l’accord-cadre, a été dépassée par sa concurrente en termes de nuitées et de capacité. Agadir reste sur deux années consécutives de baisse des nuitées: -6% entre 2007 et 2008 et -4% entre 2008 et 2009. Par ailleurs, en dix ans (depuis 2001), la destination a perdu 6 points sur le taux d’occupation, passant de 61% entre 2001 à 55% en 2009. Durant la même période, les capacités d’hébergement ont augmenté de 33%.

Pour Marrakech, le tableau n’est guère reluisant puisque les nuitées ont baissé de 5% entre 2007 et 2008 et de 1% entre 2008 et 2009. Le taux d’occupation décroche de manière spectaculaire 47% en 2009, soit 17 points de moins qu’en 2001 alors que les capacités hôtelières ont augmenté de près de 150%. Ce qui ne fait qu’exacerber les difficultés financières des entreprises hôtelières. A l’horizon 2015, Agadir disposera de 60.000 lits. Marrakech disposera pour sa part de 70.000 lits contre 50.816. A quoi serviront donc les capacités si les hôtels n’arrivent pas à drainer plus de touristes.

Pour la Fédération nationale du tourisme, il faut qu’il y ait une capacité litière suffisante pour pouvoir vendre une destination. «Par ailleurs, même si les taux d’occupation baissent, les capacités ont augmenté et vont continuer à l’être. Les investissements démontrent qu’il y a un intérêt pour la destination».

L’intérêt est très visible de par la dizaine d’ouvertures programmées à Marrakech dont quelques grands noms: Four Seasons, Sté Bains de Mer Monaco, Mandarin Oriental, Beachcomber, Samanah, W Hôtels, Rocco Forte, Lucien Barrière, Jumeirah Dubaï, Iberostar, Reem International, Intercontinental. Il faut dire que pour certaines enseignes, le positionnement stratégique sur Marrakech se justifie par la volonté de suivre leur client. C’est d’autant plus important qu’une enseigne comme Four Seasons va drainer «sa» clientèle, qui descendra dans le même hôtel qu’elle a l’habitude de fréquenter à Genève ou à Londres.

Comment relancer la machine

Khalid Tijani, conseiller au CRT de Marrakech, est clair: «Notre souci aujourd’hui est de prolonger la durée moyenne de séjour des touristes et de revenir à 4 jours comme c’était le cas il y a quelques années, voire d’arriver à plus. A trois jours, ce n’est pas rentable. Il faut aussi augmenter le taux de retour qui est très bas. Nous y travaillons», déclare-t-il. Quelles sont donc les solutions? Pour améliorer la rentabilité des hôtels, garantir une durée de séjour suffisante et améliorer le taux de retour, il faut développer une multiplicité de la découverte: histoire, culture mais aussi environnement naturel, divertissement, tourisme rural.

Or, il y a une faiblesse dans l’animation. L’Egypte, par exemple, a développé plusieurs circuits dont les fameuses croisières sur le Nil. Nous en sommes encore à la «tournée» des villes impériales en une semaine-dix jours. C’est ce qui explique la baisse de durée moyenne de séjour. Mais il y a une autre explication. A côté des avantages, il a les inconvénients du low cost. Les gens voyages à bas prix et ne vont pas forcément à l’hôtel. Ils voyagent aussi plus souvent mais restent moins longtemps. Ce sont des tendances internationales : changement des habitudes et généralisation de la réservation last minute. « Il faut travailler l’arrière-pays, y développer des structures d’accueil pour prolonger la durée de séjour du touriste». Pour le responsable, il faut développer des niches à forte valeur ajoutée: clientèle golf, tourisme d’affaires qui est très lucratif. Il y a d’abord un besoin d’infrastructure. Selon Tijani, il faut doter Marrakech d’une grande salle de conférences car le Palais des Congrès ne suffit plus à lui seul.

L'Ă©conomiste