Musique : «Notre force, c'est la modernisation du patrimoine» : Interview: Ali Faïq, leader du groupe “Amarg Fusion''

Date 15-07-2008 01:21:48 | Sujet : Culture & Divertissement

Fidèle au poste, le groupe gadiri «Amarg Fusion» a été de la partie lors de l'ouverture du Festival Timitar à Agadir. Son concert a été une réussite.

Le Matin : Comment est née l'idée d'«Amarg Fusion»? et que veut dire ‘'Amarg'' ?

Ali Faïq : Le groupe est né avec l'ambition de moderniser l'image de la musique amazighe. Cette dernière est souvent présentée sur les scènes des festivals nationaux dans «sa version originale» et parfois même folklorique. Cela donne l'impression qu'il n'y pas un véritable travail créatif. On s'est dit alors pourquoi pas suivre la tendance et vivre pleinement ce mouvement qui a changé complètement la face de la musique marocaine. Evoluer et moderniser le style amazigh, tout en restant fidèles au legs patrimonial, c'était ça notre objectif et notre raison d'être. Le nom du groupe est d'ailleurs très lié à la tradition musicale berbère. «Amarg» veut dire la poésie chantée, la nostalgie et peut signifier également les troubadours musiciens. La fusion est notre façon d'urbaniser une musique rurale.
Décrivez-nous le style d'''Amarg'' ?

Notre style c'est essentiellement la fusion… des genres musicaux, des identités et des préférences de chacun des membres du groupe. Dans notre répertoire, on peut retrouver la musique qui enchante nos parents, celle des «Rouaïss» et les styles qui plaisent aux jeunes Marocains d'aujourd'hui comme le funk, le reggae, le jazz africain et le pop. Ceci sans oublier les tendances internationales du moment. «Amarg Fusion» sert à son public ‘'un bon plat bien épicé'' aux goûts variés. C'est un choix délibéré pour dire que le Maroc est ouvert et riche en influences.

Racontez-nous un peu vos débuts. Est-ce que vous avez rencontré des difficultés ?

Au début, il y avait Jamal Wasfi et moi. A ce moment-là, nous avions déjà une idée de ce qu'on veut faire et de quel genre de musique nous voulons présenter. Nous avons alors préparé un dossier avec un projet bien ficelé en précisant bien la nature du répertoire basé sur notre background musical. C'était notre façon d'éviter l'aspect «amateur» et de faire les choses dans les normes professionnelles et artistiques. Nous avons contacté plusieurs festivals et c'était Timitar qui nous a soutenus en premier. Après, c'était le tour du «Boulevard» (2005) de Casablanca, de Casamusic et d'Essaouira (Off 2005). Cette grande tournée des festivals nationaux nous a valu une bonne expérience et une meilleure appréhension des goûts et des préférences du public. Le fruit n'était autre que notre premier ‘'album hommage'' «Agadir Ifawn» (Agadir lumineuse) sorti en 2006. Concernant les difficultés, il y en a toujours, surtout au début mais c'est dans la logique des choses... Pour nous, c'était principalement au niveau de la diffusion mais nous avons toujours su travailler avec les moyens de bord et avec beaucoup de professionnalisme et de passion.

Comment le public a-t-il accueilli l'idée de cette fusion originale entre la musique amazighe et les styles modernes ?

Sincèrement, le public a bien réagi à notre musique depuis notre lancement. Partout où nous allons au Maroc, nous rencontrons un grand succès. Notre projet musical est solide et nous sommes bien convaincus par nos choix artistiques. Cette passion se communique bien à travers nos chansons. Notre spontanéité et notre authenticité nous ont valu une grande estime et beaucoup d'amour.

Vous n'aviez pas eu peur d'être accusés de dénaturer la musique amazighe ?

Effectivement, il y a certaines réactions dans ce sens mais ce n'est pas très significatif. Nous sommes conscients et convaincus par notre choix qui consiste à «faire du patrimoine musical créatif» qui s'éloigne de l'image du legs figé et folklorisé. Ceux qui préfèrent la musique amazighe dans sa version traditionnelle pourront toujours l'apprécier. Mais ils ne doivent pas pour autant empêcher les artistes de transmettre ce patrimoine aux générations nouvelles d'une autre façon, plus moderne et respectueuse de la tradition bien sûr.

Le fait de chanter exclusivement en berbère ne réduit-il pas votre public ?

C'est parfois dommage! Mais le fait de chanter exclusivement en amazigh est un choix que nous assumons. Nous considérons la langue comme un moyen de communication, le sens vient au-delà des mots et du verbe. Le public marocain a une sensibilité remarquable qui l'aide à capter toute l'émotion qui se dégage de la musique et des paroles. Chanter en berbère est également une façon de valorisation de cette belle langue qui constitue une grande partie de notre identité culturelle. C'est un héritage qu'on se doit de préserver et de transmettre aux générations nouvelles.

Au Festival Timitar, qui vous a soutenus depuis vos débuts, est-ce que ‘'vous vous sentez être chez vous'' ?

Partout au Maroc, nous sentons que “nous sommes chez nous''.
Même à Casablanca et pendant trois éditions du ‘'Boulevard'' et deux éditions de ‘'Casamusic'', nous étions accueillis avec la même chaleur. Au ‘'Boulevard'', qui a un public assez particulier avec des tendances urbaines très prononcées, nous étions très surpris par l'engouement que nous avons rencontré.
Les jeunes ont chanté, dansé et bien apprécié notre prestation. C'est dire donc qu'on est chez nous partout !

Plein de projets

«Nous venons de lancer «Argane Dofgane», notre nouvel album qui a été chanté en avant- première à l'ouverture du Festival Timitar. Nous sommes invités également au Festival Sfinks en Belgique du 25 au 27 juillet», nous confie le chanteur d'Amarg. Le groupe a le vent en poupe en cet été. Avant de partir en Belgique, les sept membres partiront au Portugal pour un autre concert. Après une nouvelle prestation au Festival de la culture amazigh à Fès, ‘'Amarg Fusion'' sera le 24 août à Meknès pour partager sa passion avec le public de cette cité.

Vers la fin du Ramadan, le groupe se produira à Barcelone. «Dans notre nouvel album ‘'Argane Dofgane'' (l'arganier et l'homme), nous évoquons le thème de l'environnement et ses différents problèmes», explique Ali avant de rajouter: «C'est une problématique universelle qui nous concerne tous au Maroc et partout dans le monde. L'avenir de la planète entière est en jeu!», s'alarme-t-il. L'immigration, les valeurs humaines en voie de disparition, la solidarité, les droits des enfants… Ce sont autant de thèmes qui seront traités dans ce nouvel album toujours fidèle au style varié d'Amarg. «Nous utilisons notre musique pour bien transmettre le message et toucher le cœur et la conscience du public», résume le leader du groupe amazigh.

Hayat Kamal Idrissi
LE MATIN



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