Agrumiculture : Comment sauver la filière

Date 12-09-2008 19:28:48 | Sujet : Economie

· Baisse de moitié du volume à l’export en 20 ans
· Si rien n’est fait, adieu l’export à l’horizon 2018!
· La feuille de route 2009-2018 de l’interprofession


Le secteur agrumicole prépare la feuille de route de son contrat-programme. Dans un mois, l’interprofession devra présenter un rapport détaillé sur les différents axes de déclinaison.
L’enjeu est de mener une réflexion profonde en concertation avec la tutelle sur les différentes modalités à mettre en œuvre pour engager une vaste opération de mise à niveau de la filière agrumicole de l’amont à l’aval pendant la période 2009-2018.
Aujourd’hui, les contraintes du secteur sont légion: vieillissement du verger, problématique de l’eau, inadaptation variétale aux marchés extérieurs, baisse de moitié du volume à l’export en 20 ans… La sonnette d’alarme est tirée! «Si on ne fait rien d’ici 2018 ou 2020, adieu l’export! La production nationale suffira à peine à couvrir les besoins du marché local», signale Ahmed Derrab, secrétaire général de l’Association des producteurs d’agrumes (Aspam). Pis encore, d’aucuns préviennent que même la consommation locale sera compromise si rien n’est fait dans les 10 ans à venir.

Pourtant, le secteur recèle un fort potentiel de développement. Les agrumes marocains ont une très forte notoriété de par leur terroir et leur qualité, surtout la clémentine, à tel point qu’on les offre comme cadeau en Russie à Noël et lors d’anniversaires. C’est dire que le produit est bon. Reste à réfléchir sur comment booster l’export, assurer la continuité à cette notoriété, maintenir et renforcer ses parts de marché. D’où l’urgence d’une thérapie de choc et une vision commune des contraintes pour sauver la filière.

Pour commencer, l’interprofession compte d’abord procéder à l’amélioration de l’existant. «Nous avons 85.000 hectares à valoriser. Sur ces 85.000 ha, nous produisons à peine 1,3 million de tonnes. C’est très peu! Cela fait 17 tonnes par hectare», explique le SG de l’Aspam.

Pour développer la production, l’un des principaux objectifs du contrat-programme est de plus que doubler la production. L’interprofession table à terme sur une production de 2,9 millions de tonnes dont 1 million dédié à l’export. Le marché local devra bénéficier de 1,1 million de tonnes en plus de 200.000 tonnes pour le circuit de la transformation.

Or, valeur aujourd’hui, la filière produit 1,3 million de tonnes dont 550.000 à l’export. Si l’optimisme est de mise sur le marché local, c’est parce que la demande va croître à l’horizon 2018. Les prévisions démographiques laissent croire que la population marocaine devra frôler les 40 millions d’habitants à cette échéance. Ce qui préfigure une amélioration du pouvoir d’achat, une évolution certaine dans les habitudes de consommation. La tendance est d’aller vers une consommation plus importante de fruits et légumes (avec des besoins plus précis pour jeunes, sportifs, femmes, enfants…) à l’instar des modes actuels en Europe. «La tendance mondiale de consommation s’inscrit désormais dans une logique nutritionnelle. On ne mange plus pour manger, le consommateur fait plus attention à sa santé», rappelle Derrab. D’autant plus que les agrumes restent les fruits les plus économiques disponibles sur le marché national.
Pour tous ces arguments favorables, l’interprofession a fixé un certain nombre d’axes de travail.

Dans un premier temps, les producteurs devront lancer un programme de renouvellement et d’extension des plantations.
Le programme global des superficies concernées par le renouvellement et les extensions porte sur 50.000 ha. Ce sont exactement 31.000 ha qui seront concernés par le renouvellement. C’est-à-dire, remplacer notamment les vieilles plantations, convertir les variétés inadaptées. Celles justement qui produisent peu, ou qui donnent des fruits de petit calibre ainsi que les variétés qui ne répondent pas aux besoins des marchés extérieurs. Le développement des variétés devra se faire à la fois en quantité et en qualité. Les actions de renouvellement impliquent également d’augmenter la densité des plantations. En clair, le nombre d’arbres par hectare devra évoluer pour tirer le meilleur de la terre et de l’eau.

Quant au volet extension, il porte sur quelque 19.000 ha. Les professionnels ont ciblé des zones (le Gharb notamment) où il y a des disponibilités en terres adaptées aux agrumes et un potentiel hydrique. Mais pas question de faire des extensions dans des régions comme le Souss! Compte tenu de la problématique d’eau dans la région d’Agadir, c’est essentiellement le renouvellement des plantations qui a été retenu.

Autre axe développé, la généralisation de la micro-irrigation. Les agrumes étant une culture assez exigeante en eau. L’objectif pour l’heure est de réduire un tant soit peu cette exigence en eau en adoptant ce procédé. D’après le dernier recensement des agrumes, 50% du verger national est équipé en micro-irrigation. L’ambition est de parvenir à terme à sa généralisation. «Il va falloir arriver à 90 ou 100% de micro-irrigation d’ici 2018», affirme Derrab. Ce qui permettra non seulement des économies conséquentes de la ressource, mais surtout son utilisation de manière rationnelle. «Le procédé consiste à donner à l’arbre juste ce qu’il faut au moment où il faut», résume-t-on à l’Aspam. Au total, le programme va porter sur 60.000 ha, sur lesquels il va falloir généraliser la micro-irrigation. Il est prévu d’accorder des aides pour les producteurs qui procèdent à des plantations. Il en est de même pour ceux qui investiront dans la micro-irrigation. Le montant de l’aide correspond à peu près à 60% de celui de l’investissement dans l’irrigation.

Dans le même sillage, d’autres actions d’accompagnement seront lancées. Elles porteront notamment sur l’encadrement des producteurs. Une structure dédiée à la R&D sera aussi créée. L’intérêt est de vulgariser les résultats auprès des producteurs et améliorer les techniques culturales dans les vergers.
L’agrégation et le regroupement des terres revêtent aussi un caractère primordial dans le contrat-programme. Tel que le recommande aussi le Plan Maroc vert, les petits producteurs sont appelés à se regrouper autour de structures qui vont améliorer leur productivité et, partant, la compétitivité. Sur un autre registre, le programme de mise à niveau portera également sur les chaînes de conditionnement et de conservation par le froid dans les stations existantes. L’agrume étant un produit périssable appelé à être exporté. Pour assurer de bonnes conditions de conservation de la station au port-départ et port-arrivée et ce, jusqu’au client final, l’accent sera mis sur la réhabilitation et l’aménagement de chaînes de froid. Une opération qui sera corrélée à l’encouragement de la création de nouvelles stations pour absorber le surplus du tonnage. Par ailleurs, la création d’entrepôts frigorifiques devra éviter les ruptures dans la chaîne de froid, préjudiciables à la qualité du produit.

Export: On ratisse large!

L’export sera l’épine dorsale du contrat-programme, puisqu’il va falloir consolider les clients traditionnels et trouver de nouveaux marchés pour absorber le surplus de la production. Pour parvenir à consolider les clients traditionnels, un grand effort sera déployé via des campagnes de promotion en collaboration avec le CMPE. La nouvelle mission consistera à mener un repositionnement sur les marchés européens. La baisse de moitié dans le tonnage à l’export en 20 ans impose aussi de reconquérir les marchés européens, mais aussi conforter et consolider certains marchés, en particulier la Russie et le Canada. Parallèlement, il y a l’approche de nouveaux marchés lointains, en l’occurrence les Etats-Unis, les pays du Golfe, la Chine, le Japon, Singapour…
D’ailleurs, un protocole d’accord a été signé entre le Maroc et la Chine sur le volet phytosanitaire pour renforcer l’accès à ce marché géant. Le pays de l’enfant unique est très exigeant en matière de normes phytosanitaires, signale Derrab.

L’interprofession se réorganise

Le renforcement des organisations interprofessionnelles de la filière agrumicole reste la condition sine qua non de cette mise à niveau. L’élément humain est au centre du contrat-programme. Producteurs, expor-tateurs, agents techniques, experts, ingénieurs, associations… sont tous appelés à se mettre à niveau. L’objectif de ce «réengineering» est de préparer un interlocuteur en mesure d’accompagner l’Etat dans le contrat-programme. Un comité de suivi, présidé par le 1er ministre, devra veiller à l’application et la déclinaison de la feuille de route.

Et c’est l’une des originalités du contrat, puisqu’il prévoit des engagements aussi bien du gouvernement, de la tutelle que de l’interprofession, Maroc Fruit Board et les producteurs. Car tout ce qui est plantations, généralisation de la micro-irrigation… ce sont les producteurs qui s’en chargent. Auparavant, les agriculteurs étaient plutôt assistés par la tutelle.

Amin RBOUB
L'économiste



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