Le grand Chahine est mort

Date 17-09-2008 15:02:17 | Sujet : Culture & Divertissement

Le grand Chahine est mort, c’est de cette façon que j’ai appris de Rachid zaki, la mort du maître.

J’étais tellement secouée, je voulais en parler mais malgré mon admiration pour le regretté Youssef Chahine ,je n’étais pas assez « connaisseuse » il me fallait l’intervention de grands spécialistes pour l’occasion.
Je fus honorée quand Rachid zaki, bakrim med et olivier barlet acceptèrent de répondre à mes questions.

La conversation avec Rachid zaki s’est déroulée comme suite.

Q) Le grand Chahine comme vous aimez le nommez était le Fellini égyptien ?

R) Pour répondre à ta question sur Fellini et Chahine, Je dirai qu'en dépit du fait que les deux hommes ont un point en commun Les deux étaient à la fois réalisateurs et acteurs et c’est important à signaler.
En ce qui concerne leur cinéma je pense, en effet que les deux hommes issus tous les deux d'une classe bourgeoise ont su capter la réalité italienne et égyptienne avec une justesse déconcertante Chose qui est vraiment étonnante.

Q) Quels sont les oeuvres de Youssef qui vous ont marqué le plus et pourquoi?

Si on voit un film comme "la terre" ou encore "gare centrale" bien avant lui on se rend compte du génie de cet homme.

R)Je dirai que la touche néo réaliste est très présente dans la filmographie de Chahine de son premier film "Papa Amine" jusqu'au "Moineau en 1973 .
Après cette date les préoccupations de Chahine ont changé et même son style. Sans doute parce que la reconnaissance internationale a pesé de tout son poids sur lui et également parce que le monde a changé et que le cinéaste s'est senti investi d'une nouvelle mission celle de faire des films plus universels, je dirai même plus racoleurs. Il faut reconnaître que ses choix après "Le moineau" n'ont pas été tous bons, Et qu'il y a eu des ratages dans la pertinence du choix des thème et même dans le traitement cinématographique .Mais on sent que le cinéaste est devenu en tout cas plus libre dans ses choix artistiques et thématique et qu'il est devenu maître de son cinéma, le label Chahine est bien là. Du coup il n'a plus besoin de composer

Q) Mais comment se fait il qu'il est resté un peu le mæstro egyptien au regard du monde

R) Etre le maestro tient de la force du cinéma de Chahine certes. Ça c'est une évidence. Peu de cinéastes ont réussi un film de la force de "Gare centrale". Une justesse, une force dans l'écriture, une sobriété dans la mise en scène et surtout une performance d'acteur (Chahine lui même). Un film local, devenu universel par la magie du grand écran
Mais le statut de mæstro tient aussi de la personnalité de Chahine. Un homme convaincu de son cinéma jusqu'à l'arrogance. Mais une belle arrogance que haïssent les écervelés alors que les personnes intelligentes savent séparer la filmographie de son géniteur. Chahine était à la fois, aimé, adulé, craint et parfois haïs mais il n'en reste pas moins un grand maître.

Q) Je pense aussi que malgré les embûches du début, il rebondissait toujours car c'est cette arrogance qui le poussait à percer
R) Oui

Q) Donc si vous aviez à choisir les quels de ses oeuvres vous choisirez?

R) Pour moi il y a "gare centrale" qui est l'oeuvre majeure de Chahine à mon sens.
Ensuite il y a "La terre" et le moineau" puis je pense que "Alexandrie New York" que j'ai vu à Marrakech en 2004 est un film très important dans le sens où je l'ai senti à l'époque comme un film testament et j'ai dit à des amis que Chahine semble nous dire Adieu. Car sa façon de se dévoiler, de dire ses vérités même les plus viles au monde, de se mettre à nu ressemble à un adieu.
Il a certes fait deux films après ce film dont le "Chaos" mais je pense que ces deux films ont été fait dans le temps additionnel. Chahine est mort après "Alexandrie New York"

Q) Ce que vous n'aimez pas parmi les Å“uvres de Chahine.

R) Pour les films que je n'aime pas je dirai sans hésiter "Silence on tourne". Je pense que c’est son plus grand flope.
Je ma rappelle avoir écrit sur ce film "Que dire de silence on tourne? Un chef d'oeuvre ou un ratage monumental? Un trait de génie ou le délire d'un cinéaste en fin de parcours?' ça résume tout ce que je pense de ce film.
pour les films antérieurs à 1972 c'est à dire au moineau on peut aimer des choses et ne pas aimer d'autres mais la touche de Chahine, son délire cinématographique y sont présents à chaque fois
Je pense que de tous les films de Chahine celui là fut le film à ne pas commettre.

Q) Vous êtes journaliste, les gens et leurs histoires, les événements qui les touchent ont un impact sur vous, comment avez vous ressentis la mort de Chahine?

R) En tant que journaliste, en tant que jeune cinéaste mais surtout en tant que cinéphile je ressens la mort de Chahine comme un "chaos" pour emprunter le titre de l'un de ses films

Q) Voyez vous une relève côté égyptien

R) C’est une immense perte. L'homme avait encore des choses à dire, d'autre batailles à livrer. Et en dépit de ses 82ans et de sa filmographie qui avoisine les 30 films, sa mort, est prématurée. Il est mort si jeune car il s'est consumé, pour que notre mémoire cinéphilique reste vive et vivante. Le Cinéma le pleure.
« Je ne suis qu'un simple mortel. Le cinéma lui est éternel »


Pour la relève. Je la vois certainement et étrangement elle vient des pupilles de Chahine et là je parle de Yousri Nasrallah d’abord puis de Atef Hatata, de Asmaa Al Bakri. Et tout ce beau monde a été sur le banc d'école du maestro Chahine et comme m'avait confié Yousri Nasrallah sur un ton ironique dernièrement
"En tant que personne Chahine a le caractère le plus sale au monde. C'est une vraie teigne mais en tant que cinéaste c'est l'homme le plus généreux. Il ne cache rien à ses assistants. Il partage son savoir et son savoir faire. Il transmet sa connaissance"
C'est le meilleur compliment qu'on puisse faire à un homme de son envergure. Chahine fut un artiste, un vrai, un homme diaboliquement intelligent et son caractère bon ou mauvais est quelque chose qu'on ne peut pas lui contester comme on ne pas être de mauvaise foi pour ne pas reconnaître son génie. La relève est là mais lui est vraiment irremplaçable.

Q) Un dernier mot pour conclure monsieur Rachid zaki.

.R) Je me sens petit pour émettre un avis sur un si grand monsieur. Mais j’ai envie de dire cette phrase que j'ai envoyé dans le forum d'africiné (critique de cinéma africains) dont je suis membre
Chahine avait fait du cinéma sa "Terre", son "Destin". Rebelle, iconoclaste, anarchiste, il a toujours refusé d'être "L'autre", de faire des compromis, de plaire... Aimé adulé, craint et parfois haï, il a été et restera un grand maître.
Il fut un éternel "Emigré". Car son cinéma a été apprécié à l'étranger avant même que les siens n'en saisissent le sens et l'essence.
"Le fils du Nil" s'est éteint. C'est "le chaos" dans le monde du cinéma.
"Adieu..." Chahine. Tu resteras dans "La mémoire" de tous les cinéphiles
On t'aimera "encore et toujours".
L’interview avec rachid zaki se termina sur cette note un peu triste mais si véridique.

Pour monsieur olivier barlet je vous donne le lien de l’article qu’il a écrit sur
http://www.africultures.com et qu’il m’a personnellement transmis pour mon article sur chahine.
http://www.africultures.com/index.asp?menu=affiche_article&no=7984


Monsieur Bakrim Mohamed délégué du centre cinématographique marocain à casa

Q) vous êtes fasciné par Chahine, comment peut on garder l'impartialité du critique tout en étant fan?

R)avec Chahine, on ne peut pas être neutre; on est fasciné par sa personnalité, son charisme, son parcours, son combat et son engagement; par rapport à son oeuvre ; c'est une autre paire de manche; j'appartiens à une génération qui a été marqué par son film Le moineau où il aborde la défaite de 1967 à partir d'un angle cinématographique original toute en pointant du doigt les lacunes et les dysfonctionnements qui ont conduit le régime de Nasser à la défaite; mais ce n'est pas un film intellectuel, sobre et ennuyeux; c'est un récit à la Chahine débordant de vie et d'émotion. D’autres films ont été découverts au fur et à mesure et ont renforcé cette impression. ma réaction a été chaque fois en fonction de cet héritage et en fonction du travail fourni par le cinéaste; certains films vers la fin de sa carrière m'ont beaucoup déçu; j'ai même une fois écrit "le maître est fatigué" à propos je pense de son film Silence...on tourne

Q) vous avez écris sur africiné http://www. africine.org/?menu=art&no=7979&rech=1
" big jo c'est le cinéma jusqu'au bout" ,c'est à dire?

R) Chez Chahine, le cinéma est un choix de vie; sa vie a été déterminée par le cinéma; ce n'est seulement une carrière, c'est une raison de vivre. D’ailleurs c'est l'un es rares cinéastes au monde qui ont fait de sa vie une matière cinématographique

Q) en qui voyez vous une relève de Chahine?

R) Chahine a été un grand découvreur de talent notamment pour les comédiens; il était lui-même à la base un comédien et tous ses films ont été un hymne au jeu; il était en outre toujours entouré de la même équipe ce que les Egyptiens appellent "Chilla" que l'on peut traduire par la bande à Chahine; on y retrouve des jeunes cinéastes qui ont depuis fait leur chemin je pense notamment à mon ami yousri nassr allah (Mercédes, la ville, la porte du soleil...) mais on ne peut parler de relève au sens au propre; chaque cinéaste est le produit de sa propre histoire

Q) qu'elle est l'empreinte de Chahine sur le cinéma?

R) Chahine est un auteur au sens fort du mot; ses films sont des lettres envoyées au spectateur; je pense que son principal apport est dans la concrétisation de ce projet de cinéma autobiographique avec les films Alexandrie...pourquoi? Mémoire Alexandrie new York...

Q) où réside la magie de son cinéma?

R) Le cinéma de Chahine est marqué par le dynamisme de la mise en scène, une très bonne direction d'acteurs; une narration polyphonique avec la multiplication des angles et des points de vue.

Marokina



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