Pr Afif : « On commence à fumer de plus en plus jeune»

Date 18-05-2009 20:25:35 | Sujet : Santé

Dans sa lutte constante contre le cancer et les facteurs le favorisant, l’Association Lalla Salma de lutte contre le cancer (ALSC) organise une large campagne de sensibilisation contre le tabac du 15 au 31 mai dans l’ensemble du territoire marocain. A cette occasion, nous avons rencontré le Pr Moulay Hicham Afif, directeur du CHU 20 Août à Casablanca, qui revient sur les dangers du tabac. Entretien.

- Quel est la prévalence du tabagisme au Maroc ?
S’agissant de la prévalence du tabagisme au Maroc, on peut citer deux études essentielles : l’une a été faite par le ministère de la Santé en 2001 auprès des médecins cardiovasculaires et qui nous a donné une prévalence du tabagisme chez l’homme de 32% et chez la femme de 1%. Et puis en 2006, une autre étude a été réalisée. Il s’agit de l’étude MARTA ou de l’étude Maroc Tabac, qui a été conduite par le service d’épidémiologie au niveau de la faculté de médecine de Fès et qui a montré une prévalence du tabagisme chez l’homme de 31,2% et chez la femme de 3% et une prévalence au niveau de la population marocaine de 18,7%. Donc on peut dire globalement que le tiers des hommes fument au Maroc et que 3% des femmes sont fumeuses bien que ce chiffre peut être discuté parce que beaucoup de femmes se réservent et n’aiment pas communiquer sur leur statut tabagique

- L’Association Lalla Salma de lutte contre le cancer (ALSC) organise depuis le 15 mai une campagne de lutte contre le tabac. Pouvez-vous nous donner plus d’informations à ce sujet ?

- C’est une campagne de sensibilisation sur les méfaits et les dangers du tabac qui va s’étaler du 15 jusqu’au 31 mai, qui coïncide avec la journée mondiale sans tabac. Des affiches vont être mises partout dans le Maroc sur les grands axes pour qu’elles soient accessibles à tout le monde, des spots télé vont être diffusés avec des témoignages des malades sur les problèmes qu’ils ont eu avec la cigarette ainsi que des capsules médecins où un médecin va parler d’un aspect particulier du tabagisme. Bien entendu, tous les partenaires de l’association, que se soit les entreprises ou les ministères de l’Education Nationale ou de la Santé, c'est-à-dire les personnes engagées dans des programmes comme le programme clé « Collèges, Lycées et Entreprises sans Tabac » ou le programme « Hôpitaux Sans Tabac », « Centres de Santé Sans Tabac », vont procéder, chacun de sa part, à la sensibilisation de la population sur les dangers du tabac pour toucher le maximum de personnes.

Il faut savoir que dans la lutte anti-tabac il y a toujours trois axes principaux : la sensibilisation du grand public, en particulier les non fumeurs, le but étant qu’ils ne commencent pas à fumer, c’est ce qu’on peut appeler une prévention primaire. Le deuxième axe c’est de faire en sorte que les fumeurs arrêtent de fumer, c'est-à-dire, l’aide au sevrage tabagique. Le troisième concerne la protection du non fumeur contre la fumée des autres, c'est-à-dire, la lutte contre le tabagisme passif qui passe bien sûr par la lutte contre le tabagisme actif.

- Quelles sont les actions qui vont être entreprises à cet effet ?

- Les actions viseront principalement les jeunes parce que ces derniers sont la cible des industriels du tabac. Dans tous les pays du monde, y compris le Maroc, on commence à fumer de plus en plus jeune. Pour cela, le programme clé « Collèges, Lycées et entreprises sans Tabac » s’adresse essentiellement aux jeunes, c'est-à-dire les collèges et les lycées et ce qui se passe au niveau des établissements du ministère de l’Education. C’est un programme qui a démarré en 2007 avec une première évaluation en 2008 et qui a commencé au niveau de trois régions pilotes Casablanca, Rabat-Zemmour-Zaer et la région de Souss-Massa-Drâa et qui a été généralisé par la suite dans l’ensemble du territoire marocain. Ce programme prévoit la création de clubs anti-tabac au sein des établissements scolaires, la mise en place de campagnes de sensibilisation au niveau de ces établissements et la formation d’élèves qui eux-mêmes vont parler des méfaits du tabac devant leurs camarades.

- Quand on parle de tabac, on entend bien sûr la cigarette mais aussi le narguilé ou chicha qui a gagné du terrain au Maroc…

- Lorsqu’on parle des méfaits du tabac, on parle du tabac quelque soit la manière avec laquelle il va être consommé, soit du tabac fumé, c'est-à-dire la cigarette parce que c’est la plus fréquemment utilisée, soit le narguilé, le cigare, la pipe, etc. A côté du tabac fumé, il y a le tabac non combustible, allusion faite au tabac à priser (Nefha) et au tabac à chiquer (Kala) dans certaines régions surtout au niveau de l’Oriental. Quelque soit la manière avec laquelle on utilise le tabac, il a les mêmes dangers : la fumée, les produits toxiques générés par la combustion du tabac, notamment le monoxyde du carbone, chose qu’on ne trouve pas dans le tabac à priser et le tabac à chiquer, mais n’empêche qu’on trouve les autres produits toxiques dans ce tabac. Donc quelque soit la manière avec laquelle on utilise le tabac, on y retrouve les mêmes risques.

- Il y a aujourd’hui des cafés spécialement conçus pour la consommation du narguilé qui se situent parfois devant les écoles, donc comment peut-on lutter contre ce phénomène et qu’elle est l’action qui peut être entreprise dans ce domaine ?

- En effet, le narguilé est un fléau moderne. C’est devenu à la mode et les gens pensent que ce n’est pas dangereux, or Il est beaucoup plus puissant que la cigarette : une heure de consommation du narguilé équivaut à plusieurs cigarettes fumées (entre 40 et 100). Les jeunes qui fument de plus en plus le narguilé pensent que du moment que la fumée passe par la pipe où il y a de l’eau, les produits toxiques vont être bloqués. Mais c’est faux. L’eau n’arrive à bloquer que les grosses particules mais les particules les plus dangereuses qui peuvent aller au niveau du poumon au fond de l’appareil respiratoire vont continuer à être inhalées par le fumeur. Le problème du narguilé aussi c’est qu’il peut donner d’autres maladies parce que la pipe passe d’une bouche à l’autre et donc il y a la possibilité d’attraper toutes les maladies transmissibles : la tuberculose, l’hépatite virale… Pour lutter contre ce fléau il faut d’abord commencer par la sensibilisation et expliquer aux jeunes que le narguilé est aussi dangereux que la cigarette. Ensuite, les amendements qui auront lieu au niveau de la loi anti-tabac vont permettre d’empêcher la consommation du tabac dans les lieux publics, notamment au niveau des cafés.

Houria Ben Moussa
Menara



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