Loi de Finances : Encore des bombes fiscales

Date 25-11-2009 20:22:07 | Sujet : Economie

· 3% frontal pour toute transaction sur actions d’entreprises
· Les plus-values pénalisées



Quels signaux veut lancer le gouvernement quand il impose un droit d’enregistrement des transactions décourageant l’investissement? Ou encore quand il augmente la taxation des plus values sur cession d’actions de sociétés ? Ce qui poussent les entrepreneurs à appauvrir leurs entreprises.
«Cela revient tout simplement à encourager la sous-capitalisation de l’entreprise», répond Adil Douiri, président de l’Alliance des économistes istiqlaliens. Au demeurant, c’est la rançon d’une démarche qui a pour objectif premier d’augmenter des recettes fiscales. «C’est de bonne guerre», reconnaît Douiri. A la condition toutefois, de ne pas pénaliser l’effort d’investissement, source de création de richesses et d’emplois. Si bien que la politique gouvernementale verse dans la même orientation. Cependant, le projet de loi de Finances 2010 a introduit des mesures qui vont dans le sens contraire. Mesures, qui n’ont été détectées que grâce à un travail minutieux de fiscalistes comme Hdid, du cabinet Saïdi, ou ceux du cabinet Ernst & Young. La note de présentation de la loi de Finances aurait dû le signaler. Elle ne l’a pas fait. Il a fallu attendre la publication du texte intégral pour bien être fixé sur l’étendue des dégâts annoncés. Pas moins de cinq bombes couvaient en effet à travers des modifications apportées à certaines dispositions du Code général des impôts.

· Droit d’enregistrement de 3%

Cela n’existe nulle part ailleurs dans le monde. Le projet de loi de Finances prévoit d’assujettir l’immense majorité des transactions sur actions d’entreprise à un droit d’enregistrement obligatoire de 3%. Il est spécifié que l’enregistrement et le règlement des 3% sont obligatoires pour les entreprises non cotées en Bourse. Mais les sociétés cotées doivent aussi acquitter le même droit dès lors qu’un contrat ou acte accompagne la transaction. C’est une mesure lourde de conséquences. Elle n’aurait pour résultat que la lourdeur des transactions et la désaffection d’investisseurs étrangers vis-à-vis du Maroc. Ces derniers seront donc appelés à régler au préalable une taxe de 3% sans plafond, en plus du montant d’achat des actions avant même d’enregistrer un revenu ou une plue-value. Qui prendrait ce risque? Surtout que ce droit d’enregistrement s’ajoute à l’impôt sur la plue-value de cession payé, lui, par le vendeur et que le Code général des impôts se propose d’augmenter de 15 à 20%. Décidément, dame bourse est dans le collimateur de la Direction générale des impôts. En clair, il faut payer à tous les coups. «D’où la nécessité de surseoir à la modification de l’article 127 du CGI», réclame le Parti de l’Istiqlal.

· Plus-value, une taxe à 20%!

La 2e aberration soulevée par les parlementaires de la majorité tient au projet d’augmentation du taux de taxation des plus-values sur cession d’actions d’entreprises non cotées. D’après le projet de loi de Finances 2010, ce taux sera porté à 20% au lieu de 15% actuellement. Alors qu’il y a à peine deux ans, il était à 10%. Le rajeunissement ou le passage à un management structuré. D’autant plus que la taxation se fait à la dernière évaluation. Quel signal veut-on donner à l’ancienne génération d’entrepreneurs? Qu’ils se mettent à frauder et à cacher le prix réel de vente de leurs entreprises ou bien qu’ils l’appauvrissent? Se demandent les parlementaires de la majorité. Paradoxalement, l’impôt sur les dividendes est de seulement 10%. C’est donc une invitation non voilée aux propriétaires de vider leurs entreprises à coups de dividendes au lieu de les enrichir. «C’est anti-économique», s’insurge Douiri. Or, si le taux de taxation des plus-values sur les cessions d’actions de sociétés non cotées en bourse venait à passer à 20%, il dépasserait ipso facto la taxation appliquée à la plus value sur cession d’un terrain nu. Celle-ci est certes d’un taux de 20% mais sur la base du coût d’achat du terrain corrigé de l’inflation et autres facteurs. Autrement dit, une fois l’équivalent de l’effet d’actualisation déduit, ce taux est ramené dans la pratique à quelque 17%. N’est-ce pas là, une manière d’encourager la spéculation aux détriments de l’acte d’entreprendre ? disent les mêmes parlementaires. Or, l’épargne dans les terrains nus est l’ennemi de l’économie. Elle conduit à renchérir les prix de construction qu’elle soit de logements, d’usines ou encore de projets touristiques.

· Augmentation de capital, la sanction

Avant 2008, les entreprises qui augmentaient leur capital étaient sommées d’acquitter une taxe de 0,5% du montant injecté. Depuis le 1er janvier 2009 cette taxe est passée à 1%, soit donc le double. Heureusement, le gouvernement avait proposé d’appliquer en même temps une taxe forfaitaire de 1.000 DH pour chaque augmentation de capital mais uniquement pour les PME dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions de DH. C’était un premier pas sur la voie de la sagesse. Mais revirement: l’administration a introduit une autre condition limitant le forfait aux entreprises qui ont au moins 4 années d’âge. Donc, si une entreprise est plus jeune, elle n’a tout naturellement pas le droit de grandir. Plus grave encore, cette mesure présente un caractère dérogatoire à durée limitée.

· Transformation de statut de société ou redressement fiscal?

Une autre aberration non moins pénalisante pour l’économie nationale tient à l’imposition des personnes physiques, qui veulent se transformer en personnes morales. Autrement dit, celles dont l’ambition est de se mettre au diapason des règles de l’économie moderne, mais «sans qu’il y ait mécaniquement paiement d’impôt lors de cette transformation». Or la nouvelle disposition du CGI impose à cette catégorie de professionnels de réévaluer tout leur patrimoine y compris fonds propre, outils de production, fonds de commerce… et payer en conséquence la fiscalité qui en résulte. C’est donc un véritable redressement fiscal qui ne dit pas son nom. Se transformer en personne morale, n’est-ce pas la meilleure garantie de pérenniser l’activité?

· Encouragement des mises en Bourse

La réduction au titre de l’IS qui profite actuellement aux entreprises entrant en Bourse pour une durée de trois ans prendra fin au 31 décembre prochain. Compte tenu du caractère encourageant de cette mesure, le Parti de l’Istiqlal a introduit une requête pour proroger pour cinq ans encore.

· Les produits pétroliers seront bien taxés à 10%

Un autre amendement demande le maintien de la TVA appliquée aux produits pétroliers à 7%. La hausse de cette taxe à 10%, conformément à la nouvelle loi de Finances, aura un impact déterminant sur le pouvoir d’achat des ménages. De ce fait, la décision du gouvernement consiste à ne pas répercuter l’effet de cette hausse grâce au recours à la Caisse de compensation. Mais encore faut-il trouver les fonds nécessaires. Chaque hausse de 5 dollars sur le prix du baril (au-delà de 70 dollars/baril) se traduit pour la Caisse par une contribution supplémentaire de 3 milliards de DH.

A. G. et B. T.
L'économiste



Cet article provient de AgadirInou.Com - Le Portail de la ville d'Agadir et de ses Régions
http://www.agadirinou.com

L'adresse de cet article est :
http://www.agadirinou.com/modules/news/article.php?storyid=4971