Ces proverbes de chez nous qu'il ne faut absolument pas prendre à la lettre !

Date 11-08-2011 22:44:47 | Sujet : Culture & Divertissement

Les proverbes, dictons, axiomes, adages, maximes ou autres formules figées, en métaphore, enrichissent le patrimoine socioculturel des peuples et expriment, certes, une vérité d'expérience et de bon sens ou un conseil, mais, une fois décortiqués, certains de leurs contenus frappent par leur incohérence et consacrent des idées erronées et des pratiques inacceptables et contradictoires avec les valeurs cumulées à travers les générations.

Au Maroc, pays dont le patrimoine socioculturel regorge de proverbes et de citations puisés dans les profondeurs de l'histoire locale et reflétant un savoir-faire et une vision autochtone des rapports sociaux, des proverbes, qui semblent déphasés et dépassés par les réalités de la société d'aujourd'hui, colportent, pris à la lettre, des idées et concepts véhiculant, le moins qu'on puisse dire, des contrevérités et donnant faussement de la société l'image d'une collectivité figée, archaïque et tournée vers le passé.
Au top du hit parade de ces proverbes qu'il ne faut absolument pas prendre à la lettre, figure le fameux dicton: "Qui veut gagner, l'année est très longue" (lli bgha yerbah, l'aâm touil) qui pourrait être pris pour un encouragement de la paresse en contredisant le principe réaliste faisant du labeur assidu la clé de la réussite.

Certes, à travers ce proverbe, il faut entendre qu'il ne faut jamais lâcher du lest ni perdre espoir, et les occasions pour bien faire et les opportunités de réussite peuvent se répéter et se succéder, mais, pris à la lettre, le néophyte pourrait se leurrer dans son interprétation et le prendre dans le contresens qui vide l'axiome de sa teneur morale.

Dans le même registre, +Li Zerbou matou+ (les gens pressés sont déjà morts), est l'autre dicton qui pourrait affecter la qualité de la tâche accomplie et peser sur la rapidité de l'action devenue un critère incontournable des rapports et transactions dans la société de communication d'aujourd'hui.

Autre célèbre proverbe qui soulève plus d'une interrogation quant à son assimilation par le commun des mortels, le fameux "sal al mjerreb la tsal tbib" (demande conseil à celui qui en a fait l'expérience et non au médecin) risque d'approfondir plus le creuset de l'ignorance. Sorti de son contexte général et social, le dicton pourrait affecter davantage la confiance en la science dans une société ou pullulent encore les guérisseurs traditionnels et autres charlatans qui, manque de moyens et pauvreté des patients aidant, dament le pion aux praticiens en particulier dans les milieux ruraux et défavorisés.

La solidarité sociale n'a pas été épargnée, pour sa part, par ces "fleurons" dont l'un des plus cités stipule : +madire hassana maytra basse+ (pas de bonne action, pas de problème). Outre le fait qu'il sape l'initiative bienfaitrice forgeant les valeurs de la solidarité, le proverbe encourage l'individualisme et installe l'indifférence et l'irresponsabilité comme règles dominantes au sein de la collectivité.

La femme, de plus en plus rétablie dans ses droits à travers un arsenal juridique des plus avant-gardistes, souffre, elle aussi, sous le poids d'une batterie de proverbes +machistes+ qui reflètent des fausses idées reçues et affectent la gente féminine dans ses droits élémentaires et sa dignité en présentant les femmes comme des êtres inférieures, soumises et sources de problèmes.

"Dwa ddarsa oulamra alkoulab oulabra" (Pour les problèmes de dents et de femmes un remède efficace : les tenailles et la répudiation), "Achar m'ra, ou lkheir m'ra" (la femme source de problème, et source du bien), "tallab itlab ou martou tsaddaq" (le mendiant quémande et son épouse donne la charité), "lem'ra, chawerha madire brayha" (la femme, tu peux lui demander conseil mais faut jamais faire ce qu'elle dit), sont autant de manifestations flagrantes de la tendance "attentatoire" à la femme et du rang qui lui revient dans le subconscient des adeptes de ces axiomes à ne surtout jamais prendre à la lettre.

Génériques ou métaphoriques, les proverbes véhiculent des leçons de morale et constituent un réservoir de pensées prêtes à l'emploi, aussi faut-il décoder convenablement leur sens pour le néophyte, et veiller à ce que leur contenu, dépassé et déphasé pour certains dictons, ne soient absolument pas pris à la lettre.
MAPF



Cet article provient de AgadirInou.Com - Le Portail de la ville d'Agadir et de ses Régions
http://www.agadirinou.com

L'adresse de cet article est :
http://www.agadirinou.com/modules/news/article.php?storyid=7354