Le mécénat au Ramadan: Le cœur sur la main

Date 23-07-2013 02:09:20 | Sujet : Société

Plus qu’un devoir par acquis de conscience, la charité devient au mois de Ramadan un rituel sacré. Les Marocains sont davantage sensibles à la misère des autres, le cœur sur la main.

C’est d’ailleurs là l’essence même de ce mois de jeûne: sentir cette faim irrépressible qui tenaille à chaque instant les pauvres. Du pain béni pour les mendiants qui ne prennent plus la peine d’insister ou d’harceler les gens pour avoir des sous, les estomacs vides cessent de crier famine.
A Mohammedia, comme d’ailleurs un peu partout dans le Royaume, les mécènes et âmes charitables semblent très disposés à accueillir toute la misère du monde ! Si, dans les jours ordinaires, les gens sont d’habitude réticents à la vue d’un mendiant, surtout depuis que la mendicité est devenue ce qu’elle est maintenant, une profession à part entière qui assure à celui ou celle qui l’exerce des rentrées conséquentes; au mois de Ramadan, c’est tout le contraire. La charité devient une obligation inscrite sur le même pied que les autres actes de foi qui garantissent un jeûne correct.

Dans les mosquées, aux portes des boulangeries et dans les cafés le soir, les mendiants ne se plaignent plus. L’aumône se donne à tour de bras et les gens, dans un élan de générosité sans pareil, se précipitent même pour donner l’obole à un mendiant qui passe près d’eux. Un effet Ramadan presque général. "En ce mois béni, je ressens beaucoup plus le besoin de faire de la charité que le reste de l’année et peu m’importe si le mendiant soit un professionnel ou non. C’est devenu pour moi un rituel sacré et ce, quand bien même mon salaire suffit à peine à nourrir ma petite famille", dit cet employé d’une usine attablé à la terrasse d’un café, qui à la vue d’un mendiant traînant misérablement ses trois enfants, s’est levé d’un bond pour lui placer au creux de la main une pièce.

Des Ftours gratuits

Mais bien plus que "cette charité à la sauvette", le mois de Ramadan est marqué par cette tradition qui consiste à offrir des Ftours gratuits aux jeûneurs. Comme l’exemple de ce boulanger-traiteur Haj Hassan. M qui a planté près de sa boulangerie un chapiteau baptisé "Maidatou Arrahmane" (la Table du Miséricordieux). Depuis deux ans déjà, ce presque sexagénaire qui n’arbore aucun signe religieux ostentatoire a pris l’habitude d’offrir aux démunis l’occasion rare de rompre leur jeûne sans débourser un sou. Et l’affluence est croissante de jour en jour d’autant que l’emplacement de cette "soupe populaire" situé au quartier Al Qods (la colline) se trouve à proximité de trois bidonvilles notoires qui défigurent encore le visage de la ville des Roses, Bradaâ, Massira et Chehaouata.

Tous les jours, une demi-heure avant la rupture du jeûne, les gens se ruent sur les lieux où toutes les commodités et les mets dignes d’un Ftour en famille sont offerts gracieusement. Au premier jour, "les convives’’ étaient pas moins de 130 personnes mais leur nombre s’est accru, le bouche à oreille aidant, jusqu’à atteindre parfois les 200 personnes, lesquels sont servis à satiété par un groupe de bénévoles. Ahmed, serveur de son état, se dit très comblé de pouvoir contribuer ainsi à cette œuvre de charité, indiquant que cette occupation l’empêche de rompre le jeûne avec sa petite famille.

Le devoir avant tout


Pour lui, le devoir passe avant tout d’autant que le mois de Ramadan offre cette occasion unique et cette disponibilité rares durant les autres périodes de l’année de faire du bénévolat. Sur cette initiative, son promoteur Haj Hassan qui a quitté en 1972 la région de Souss pour élire domicile à Mohammedia, souligne que cela répond à un souci de solidarité et d’assistance à autrui, évoquant avec nostalgie les paroles de son père qui lui disait que la nourriture avait pour lui un goût amer quand il ne partageait pas son repas avec les autres.

C’est aussi une manière de consolider la cohésion sociale, les solidarités et les activités philanthropiques qui commencent, regrette-t-il, à s’étioler dans notre société, notant que cette table Ramadanesque réunit autour d’elle des démunis de tous les âges, notamment des veuves ou divorcées et pas seulement des gens précarisées, mais aussi des personnes n’ayant aucun souci d’argent mais qui recherchent la convivialité et des ambiances familiales. Ils amènent avec eux leur nourriture préférée, du poisson surtout, et se rejoignent aux autres. Et il y a aussi ceux qui sont de passage ou bien ceux à qui leur métier impose des horaires astreignants comme les camionneurs, les employés dans le bâtiment ou encore les policiers, lesquels sont nombreux à rompre leur jeûne dans le chapiteau avant de reprendre sur des chapeaux de roues leur service.

Visiblement, les espérances de ce mécène désintéressé ne semblent pas vaines puisque son initiative a suscité des solidarités, poussant certaines personnes à faire des contributions en espèces ou encore en nature en offrant aux habitués de cette table des denrées alimentaires, entres autres, le lait et les dattes. Un geste dont se félicite Haj Hassan regrettant cependant l’absence d’un accompagnement de telles initiatives caritatives notamment par les entreprises dites citoyennes. Comme lui mais à moindre échelle, certains mécènes offrent un peu partout dans la ville des ftours, notamment certains cafetiers qui réservent certaines tables pour les personnes précarisées ou encore des familles qui posent quelques tables devant leur maison. Cela dit, copieusement ou chichement garnie, la table du Ftour est une belle démonstration de la générosité des Marocains et de leur attachement aux valeurs séculaires de solidarité et d’hospitalité qui font la renommée du Maroc au-delà des frontières.

MAP



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