Economie: Maroc/Russie : Akhannouch balise le terrain pour les exportateurs

Posté par: Visiteursur 08-06-2010 22:08:04 1882 lectures · Objectif : rééquilibrer notre balance commerciale
· Des assurances pour assouplir les procédures d’accès au marché
· Le Maroc veut élargir son commerce aux nouveaux produits


A Moscou tous les chemins mènent au Kremlin. C’est le point de jonction de toutes les grandes artères dont certaines sont longues de plusieurs dizaines de kilomètres. De l’aéroport Sheremetyevo jusqu’à la place Rouge, c’est une ligne directe d’environ 80 km sans ronds-points. C’est le même schéma urbanistique qui prédomine. Toutes les artères commencent à partir des 4 périphériques circulaires qui entourent la métropole. Et, le plus proche du centre-ville dessine un cercle de 120 km. La distance s’allonge au fur et à mesure que l’on accède à la zone suivante et ainsi de suite. Le tout occasionnant souvent des embouteillages monstres qui durent parfois plusieurs heures. C’est propre à Moscou qui compte un parc automobile de près de 7 millions de véhicules pour une population d’environ 15 millions d’âmes.


C’est dire donc la difficulté de boucler un programme assez dense que celui de la visite de travail effectuée la semaine dernière par la délégation d’officiels et professionnels conduite par Aziz Akhannouch. Prouesse réussie. Mais au pas de course, faut-il le signaler. Car, outre la signature du nouvel accord de pêche (voir notre édition du 7 juin; www.leconomiste.com), le ministre de l’Agriculture et de la Pêche maritime est allé défendre le dossier des exportateurs marocains des fruits et légumes. Mais aussi assurer l’ouverture aux productions attendues de la nouvelle stratégie agricole. Et pour cause ! Le marché russe enregistre une croissance à deux chiffres. Avec ses 142 millions d’habitants, il a presque doublé sa consommation de fruits et légumes entre 2004 et 2008, passant ainsi de 5,2 à 8,2 millions de tonnes. Pour les fruits, le niveau de consommation est quasi identique à celui des pays développés, soit 100 kg/habitant/an. En tout, le volume des importations russes de fruits s’élève actuellement à près de 4,5 millions de tonnes. Elles restent toutefois dominées à raison de 60% par les pommes, poires et bananes. En revanche, le marché des légumes recèle encore d’importantes potentialités. La consommation par tête d’habitant est proche de celle enregistrée en Afrique: 50kg/hab./an. «Néanmoins, cette consommation affiche un taux de croissance estimé à 20% alors que notre production croît à peine de 5%», fait remarquer Tarik Kabbaj, maire d’Agadir et président du groupe exportateur GPA. Pour cet opérateur, des marges de développement des exportations des petits agrumes sont aussi considérables. Car, face à la concurrence, fort compétitive, des origines égyptienne et turque sur le créneau des oranges, le Maroc peut se prévaloir de l’exclusivité de la variété clémentine. Le constat est également valable pour la grande panoplie des légumes que produit le Maroc. Pour le moment, le marché russe en absorbe près de 3 millions de tonnes constituées à raison de 62% de tomates (24%), des pommes de terre (19%) et des oignons (18%). Le reste est constitué des choux, carottes, navet et divers légumes. Or, malgré le dynamisme affiché par les expéditions marocaines des fruits et légumes, celles-ci représentent encore moins de 4% comme part de marché. Elles restent par ailleurs concentrées sur les agrumes. Ces derniers ont représenté 92% de la valeur moyenne de ces exportations des produits agricoles sur la période 2007/2009. Ils sont suivis des tomates (7%) alors que les légumes ne participent qu’à hauteur de 1%.
Globalement, le volume des échanges entre les deux pays a atteint 14,7 milliards de DH. Mais avec un déficit chronique pour le Maroc. Il se situe en moyenne à 11 milliards sur la période 2005-2009. Seule la balance agricole dégage un surplus d’environ 900 millions de DH.

Excédent qui aurait pu être sensiblement amélioré si les exportations de nos agrumes avaient suivi la demande russe dont le taux de croissance culminait à 14,2% par an. Se plaçant au premier comme fournisseur d’agrumes depuis l’an 2000, le Maroc a vu ses parts de marché s’amenuiser au profit de nouveaux concurrents. Et, l’Egypte vient en tête. «Compte tenu de sa compétitivité en termes de coûts de production et de sa proximité du marché mais aussi du traitement de faveur dont elle bénéficie au niveau des procédures d’accès», révèle un opérateur. Et pour cause! Cette origine figure aussi parmi les grands acheteurs de céréales russes. Pour ce qui est de la tomate, le Maroc occupe la 4e place avec une croissance annuelle de 24% après la Turquie, la Chine et l’Azerbaïdjan. Mais la Turquie se taille la part du lion avec 40% du marché. Cette importance, elle la tire de sa forte capacité de production, sa proximité géographique mais surtout de la présence d’une communauté turque dont une partie assure la distribution sur place des fruits et légumes. Quant à l’Espagne, elle ne constitue réellement pas un concurrent pour le Maroc. Cette origine, tout comme l’ensemble des pays de l’UE, sont assujettis à des droits de douane élevés par rapport aux autres fournisseurs. A titre d’exemple le droit ad valorem appliqué pour les importations d’agrumes européennes est 6,12% contre 4,59% pour le Maroc. Il s’élève respectivement à 22,17 et 16,62% pour les tomates.

Mais le problème ne se situe pas au niveau tarifaire. Le véritable handicap a pour nom les normes sanitaires phytosanitaires. «Celles appliquées aux importations de produits agricoles sont devenues plus sévères», avoue un opérateur russe. «Et au-delà, elles ne sont ni transparentes ni généralisées à l’ensemble des origines», renchérit cet autre importateur. De sorte que des traitements différenciés (favorables ou discriminatoires) sont applicables selon les origines. Du coup, les lenteurs qu’accusent les procédures de contrôle se traduisent par la dégradation de la qualité de produits hautement périssables comme la tomate, la clémentine ou encore certains légumes. D’autant plus que le délai d’acheminement des produits marocains vers le marché russe est de l’ordre de 15 jours minimum, faute d’une ligne maritime direct. Pour remédier à cette situation, l’Office national de sécurité sanitaire et alimentaire a mis sur la table quatre projets d’accords, suite à des négociations jugées très laborieuses. A charge pour la partie russe de les valider dans les plus brefs délais. Car, pour le moment, la Fédération de Russie ne reconnaît pas notre système de contrôle normatif et phytosanitaire pourtant agréé par l’Union européenne et d’autres pays qui comptent parmi les plus exigeants en termes de normes sanitaires. C’est que, contrairement au Maroc, la Russie n’a pas encore adhéré à l’Organisation mondiale du commerce.

Conjuguée aux effets de la crise internationale, la situation n’a pas été moins pénalisante pour les exportateurs marocains. Baisse de la consommation, du fait de dévaluations successives de la monnaie russe et problème de solvabilité de certains clients en sont la rançon supportée. De fait, les phénomènes ont engendré une régression de 25% des expéditions et des pertes de revenus estimées à 35% durant la campagne 2008/2009.

Quoi qu’il en soit, la partie russe a été fort réceptive aux dossiers plaidés par le ministre de l’Agriculture. Des assurances lui ont été données quant au traitement avec célérité de toutes les questions soulevées. Car, l’objectif pour le Maroc est se placer dans une logique de coopération économique englobant l’ensemble des volets: les échanges commerciaux mais aussi les investissements ainsi que les mesures d’accompagnement techniques et scientifiques. En somme, le terrain a été bien balisé au profit et des exportateurs marocains et de leur clientèle dont l’intérêt pour nos produits est fortement exprimé.

Des préalables

SELON de nombreux professionnels, les chantiers d’urgence à lancer pour promouvoir nos exportations sur la Russie passent d’abord par l’ouverture de lignes maritimes entre Agadir et Saint-Petersbourg. Il s’agit ensuite, d’ouvrir une délégation de l’Etablissement autonome de contrôle et de coordination des exportations au sein même de ce port. En 3e lieu, il est envisagé d’installer un conseiller économique auprès de l’ambassade du Maroc en Russie. Mais la célérité des procédures portuaires demeure incontournable.

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