Actualité Agadir et région: Agadir : le droit à une autre ville

Posté par: Visiteursur 17-07-2009 02:13:39 1659 lectures «La forme d’une ville change plus vite que le cœur d’un mortel » disait un vieux poète. Ce qui importe aujourd’hui, c’est de savoir le sens et la nature des changements car par les actions cumulatives humaines, une ville peut finir par être une monstruosité infernale, tentaculaire, lieu de disparités énormes, un aplatissement sans spécificités ; ou au contraire rester inscrite dans un progrès maîtrisé privilégiant l’équilibre des espaces, la qualité de vie, les exigences de la modernité aboutissant d’une façon ou d’une autre à une idée de cité, à l’offre d’un meilleur usage de l’ordinaire de cette cité.

N’oublions pas que la question de la gestion des villes est liée à des enjeux terribles parce que les villes représentent des micro-sociétés avec ce que tout cela suppose comme paramètres : sécuritaire, sociologique, économique, écologique, socio-culturel, etc. ; avec aussi cette connexion vitale entre les éléments : tissage de lieux, de temps divers croisements, d’énergies humaines et sociales et surtout complexe de vies, de rythmes réguliers, d’habitudes existentielles, de tracés biographiques, de tensions sociales.


C’est par la ville en tant qu’espace vivant de sérénité ou de souffrance que se fait le lien nourricier avec le monde. S’il y a toujours un « imparfait des villes » selon l’expression de l’architecte Paul Chemetov et qu’elle reste le lieu des contradictions et des mutations brutales de la société (exode, densification exacerbée, marginalités, spéculations sauvages, ruralisation de l’espace urbain, passif des mauvaises gestions et incompétences antérieures…), la ville ne doit pas être objet d’appétit vénal et de convoitise prédatrice ou purement politicienne parce que justement elle représente des enjeux qui dépassent les intérêts d’obédience ou de coterie : elle doit être l’objet d’un consensus rationnel pour son progrès, pour plus de beauté, d’équilibre, de la généralisation efficace des services. Sans vouloir rêver avec Henri Lefebvre qui souhaitait une « quotidienneté – festivité » dans une ville humanisée, il faut simplement chercher, exiger de soi et des autres une autre ville, un droit à la ville comme technique et œuvre car seule la conjugaison de la technique et de l’œuvre peut permettre le sentiment d’appartenance et l’art de vivre dans une grande structure urbaine réenchantée par la passion du concret, du présent, la passion de la chose publique.

Les hommes engagés à qui incombe cette responsabilité doivent incarner ces qualités supra-individuelles et non s’embourber dans des querelles intestines, interpersonnelles, des calculs égocentriques et maffieux comme on l’a vu récemment à Agadir pendant les élections et pendant la constitution du conseil municipal qui a fini par se faire par le retour à la légalité et aux normes requises malgré l’alliance actuelle avec une autre mouvance plus conservatrice et qui peut être perçue comme malencontreuse même si elle est dictée par la raison pratique pour finalement franchir le Rubicon.

Avant de continuer sur le cas d’Agadir, il y a autre chose à dire dans ce sens de façon indicatrice et sans regard inquisiteur : c’est une question d’implication à une échelle moindre ; l’homme politique local doit cesser d’être investi par le rôle sécuritaire et national, par des intérêts autres que ceux de sa ville comme cela a été le cas pendant longtemps, à l’avantage d’une mission directe selon l’idée d’une gestion précise des problèmes. Une modestie dans la pratique. Combler la responsabilité locale pour en faire en elle-même une fin. Répétons-le : c’est une politique modeste, sans grandiloquence, s’attachant à contourner le local pour le local, privilégiant le facteur humain, recourant aux compétences et à la rigueur pour émanciper les projets…. L’essentiel dans cet attachement à l’espace de sa ville est de l’inscrire dans un rythme qui contribue à l’élaboration de projets collectifs, visant la vie quotidienne, l’éthique de la proximité, la préservation de projets collectifs, la préservation de l’ « écoumène », les qualités de la mobilité, la diversité moderne, l’efficacité pratique, etc. C’est un travail et on ne peut pas travailler sans l’énergie de l’altérité et l’intelligence de la vocation ou tout au moins celle inhérente à l’audace et au sens du bénéfice pratique.

Revenons au cas d’Agadir. Si on met de côté les incompatibilités d’humeur, de tempérament, les susceptibilités ou sensibilités négatives des uns ou des autres, il faut admettre que la ville d’Agadir commence à se reconfigurer, à grandir non dans son extension, mais elle grandit de l’intérieur, du dedans : réaménagement du front de mer, arrangement des avenues, révision ou réalisation des infrastructures des quartiers isolés ou marginalisés, espaces verts, espaces de jeux, soutiens aux associations, lieux pour la jeunesse, sauvegarde des espaces nus arrachés à la voracité spéculative, etc.…
Bien sûr, il y a beaucoup de choses à faire ou à rationaliser : espaces culturels, médiathèque de référence pour tout le monde, structures de formation en art, reboisement écologique adéquat, prévision d’une salle polyvalente sérieuse (pour le théâtre, le cinéma…), renforcement du Musée amazigh avec la création d’une collection permanente des artistes de la région, renforcement des services de voiries, entretien des espaces verts…

Certainement que je ne fais que prêcher des convertis, ce qui importe, c’est la vision qui ouvre les chantiers, les vrais chantiers de la ville d’Agadir. Les belles et les bonnes idées n’ont pas de couleur, il faut simplement s’appuyer sur les compétences et être à l’écoute sans préjugés mais avec discernement pour freiner toute tentation dogmatique, faire parler son expérience et celle des autres : mieux vaut une pratique qui a sa doctrine en elle-même qu’une doctrine cohérente sans effets. Il y a de plus en plus une exacerbation de toutes ces questions, c’est pour cela qu’il faut soutenir objectivement, honnêtement, le mouvement actuel au niveau de la Municipalité d’Agadir parce qu’il est sans précédent et parce qu’il porte en lui la volonté de restructuration et d’embellissement. Ce n’est pas une tâche aisée mais il semble de plus en plus que tel est le choix pertinent pour avoir droit à une autre ville. La ville appartient à ceux qui l’aiment, politiquement, à ceux qui la gèrent, rationnellement.

Libération