Actualité Agadir et région: Agadir balancée entre deux légitimités politique et institutionnelle

Posté par: Administrateursur 07-06-2012 02:02:07 1335 lectures Jusqu’ici , sans déroger à une tradition déplorée par tous les habitants d’Agadir, l’activité de la région est restée dominée par un latent conflit entre le Wali, autorité de l’Etat et le président du Conseil, élu et dénommé « M. le Maire de la ville ». Cette rivalité exaspérante, larvée, ensuite déclarée, n’en finit pas de nuire à la ville, elle porte préjudice aux projets et à ses activités économiques, sociales et culturelles.

Les walis qui se sont succédé à Agadir depuis maintenant un peu plus de dix ans , nommés par le Roi, installés selon un cérémonial aux hautes couleurs, fidèles au serment qu’ils ont prononcé devant lui, se sont trouvés confrontés à une autre légitimité : celle du président du Conseil municipal, tirant sa légitimité quant à lui de son élection par les populations.


Mohamed Gharrabi, wali de sont état, n’avait pas maille à partir avec Tariq Kabbaj, maire ! Tout simplement , parce qu’il avait quitté Agadir en 2001 déjà. Fils d’Agadir , Tariq Kabbaj est venu aux responsabilités municipales en 2003 , il était un ardent militant de l’USFP dans ce fief du Souss où son parti politique a connu sa naissance , suite à la scission avec l’UNFP dans les années soixante. Ils ont , cependant, passé quelques années à se croiser et à se défier. Ils n’avaient pas nourri que la sympathie, peut-être même une discrète amitié entre eux. Ils se respectaient courtoisement. Sans plus. Deux caractères, à vrai dire, opposés. Le premier, formé à l’école de l’administration de l’Intérieur , jovial mais en quête d’efficacité avait nourri de grandes ambitions pour la ville d’Agadir et sa région. Il incarnait une manière d’architecte politique et administratif. Le second, formé à l’école de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) avait un caractère ombrageux. Intellectuel politisé, il trempait dans l’orgueil et la « résistance morale »…Miracle, ou simples circonstances, la ville d’Agadir fut comblée en leur temps : de grands projets touristiques, des réalisations infrastructurelles, un grand succès en matière de nuitées et de séjours des touristes, une deuxième relance économique que l’on dirait exponentielle.

Tariq Kabbaj est demeuré maire de la ville, inamovible, égal à lui-même, la verve et la truculence inentamées. Le successeur de Mohamed Gharrabi a rempli sa mission et quitté la région, sans laisser de traces. Le contraire de Mohamed Gharrabi qui, aux dires de beaucoup, est cité comme un artisan d’Agadir post-moderne. Il était profondément convaincu que «le management territorial, de par sa polyvalence, requiert des valeurs de travail en équipe, en synergie et en mutualisation des efforts». Il cultivait le pragmatisme. La trace de son passage dans le Souss est demeurée vivace, entre le petit bureau de Chtouka Aït Baha et l’immense salle qu’il a transformée à la Wilaya d’Agadir, entre les avenues fleuries à l’entrée de la ville et la Marina dont il a suivi l’élaboration des plans, la baie de Founty et l’aménagement de plusieurs sites…

Il a quitté sa ville, pour d’autres missions, au Nord, au sud et à Fès ensuite. Après lui, la ville accueillit Ali Ghannam, discret personnage qui, n’en déplaise à certains, était désigné davantage pour le secteur privé que pour des fonctions publiques et un profil d’autorité. Il rejoindra le privé. Un malaise s’était tout de même instauré entre le président élu du Conseil de la ville et le Wali, Ali Ghannam, mettant en équation le sort de la ville, soumise aux tirs croisés. Celui qui a succédé ensuite à Ali Ghannam, descend tout droit d’une culture et d’une tradition istiqlalienne affichées. Il croisera le fer avec le président du Conseil municipal, jaloux de ses prérogatives et peu enclin à se laisser dévorer par le flamboyant Rachid Filali. A fleurets mouchetés d’abord, ouvertement ensuite, la petite « guéguerre » s’est transformée en guerre tout court.

Les projets d’urbanisme, la conception architecturale, le choix des constructions et le problème d’autorisations ont parfois pris une dimension aggravée. C’était en quelque sorte une légitimité contre une autre, mettant parfois entre parenthèses le destin de la ville…On en veut pour preuve, le retard apporté à l’aménagement de la Corniche , demandé pourtant par le Roi Mohammed VI, qui a dû subir les humeurs de l’un ou de l’autre.

Le Maire est élu, il peut rester tant qu’il veut…

Combien de fois n’a-t-on pas entendu dire que « le Maire est élu, il restera tant qu’il veut » et que le Wali n’est qu’un passager. Combien de fois n’a-t-on pas pris acte de leurs divergences, étalées dans les cafés de commerce ? Entre Filali et Kabbaj ce fut à la fin la guerre à couteaux tirés.

Mohamed Boussaïd, ancien ministre du tourisme, a été nommé il y a trois ans Wali d’Agadir en remplacement de Rachid Filali. Ingénieur des Ponts et chaussées, grand manager, discret jusqu’au bout des ongles, volubile, il a d’abord composé, prenant à cœur sa mission de « Wali entrepreneur » ; un capitaine d’industrie qui n’avait de cesse de redonner ses lustres à la ville. Il s’y employa, non sans se heurter à quelques embûches de dossiers brûlants comme celui de la station de Taghazout, deux ou trois fois abandonné à son sort par des repreneurs. De l’histoire de l’affichage qui l’a opposé au maire de la ville, à l’épisode du Souk al-Had, dont la réalisation est restée bloquée, un malentendu inouï a opposé les deux autorités, hypothéquant l’activité commerciale, dévoilant aussi une série d’irrégularités concernant les autorisations accordées pour les échoppes du Souk et un trafic d’influences . On s’en doute, les populations d’Agadir, toutes catégories confondues, ressentent et vivent au quotidien tout malaise qui oppose le Wali au président du Conseil municipal. La rénovation du quartier Talborjt, programmée avec le soutien des Iles Canaries, des abattoirs et autres projets, attend toujours…

La nomination de Mohamed El Yazid Zellou comme Wali d’Agadir, il vingt jours, donne en effet la mesure des choses : c’est un ingénieur des Ponts et chaussées, un « pontiste » comme on dit, expert international en hydraulique qui prend les commandes . C’est aussi un spécialiste des financements, comme en témoigne son passage à la Lydec, enfin un grand « commis de l’Etat » qui mettra en œuvre la vision de développement et l’essor d’Agadir. D’une grande discrétion, il faut souhaiter qu’il transforme désormais ce qui était source de conflit dérisoire auparavant en source d’inspiration . Au plus grand bonheur de la ville et de la région

La DĂ©pĂŞche du Sud